Voici un article
intitulé « Police
unifiée de l'alimentation : une réforme nécessaire »,
rédigé par Benoît ASSEMAT, administrateur et ancien président du
SNISPV qui a été
proposé sur le site
du SNISPV (Syndicat National des Inspecteurs en Santé Publique
Vétérinaire).
Cet article est paru dans la revue Acteurs
Publics du 2 mai dernier.
Benoit
ASSEMAT est Conseiller sécurité sanitaire à l'Institut National
des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ).
Les
scandales et crises alimentaires sont de plus en plus fréquents. La
raison principale est simple : les filières alimentaires sont
devenues un terrain favorable au développement de nouvelles formes
de délinquance. Engagé dans une réforme de l’organisation des
services publics, le Gouvernement a placé dans ses priorités le
renforcement des missions de contrôle, de lutte contre les fraudes
et d’inspection, notamment dans le domaine de la sécurité
sanitaire et alimentaire. Le projet de création d’une police
unifiée de l’alimentation répond à l’objectif d’une plus
grande efficacité de l’action des deux principales administrations
de surveillance et de contrôle de la chaîne alimentaire : la
direction générale de l’alimentation (DGAL) et la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes (DGCCRF), rattachées pour la première au ministère de
l’Agriculture et de l’Alimentation et pour la seconde à celui de
l’Economie et des Finances.
Ce
projet a pour ambition d’apporter une réponse à un problème
ancien, mis en évidence par de nombreux rapports depuis plus de 20
ans : l’éparpillement des compétences et la dilution des
responsabilités entre la DGAL et la DGCCRF, illustrées de nouveau
par l’affaire Lactalis en décembre 2017.
Différentes
initiatives ont été prises pour assurer une meilleure coordination
entre ces deux administrations. La dernière réforme, mise en place
en 2010 dans le cadre de la révision générale des politiques
publiques, a conduit à la création de directions
interministérielles regroupant à l’échelle départementale les
agents des deux services. L’efficacité de cette réforme a été
limitée par le maintien d’une double tutelle ministérielle aux
niveaux national et régional.
Comment
peut-on aujourd’hui mettre en place une organisation plus efficace
des services publics en charge des contrôles officiels sur la chaîne
alimentaire ? Sur quels principes pourrait reposer une police unifiée
de l’alimentation, susceptible de mieux prévenir les crises et
scandales alimentaires ?
Le
premier principe conduit à adopter une approche globale et intégrée
des risques, s’appliquant à toute la chaîne alimentaire («
de la fourche à la fourchette ») et associant aux enjeux sanitaires
ceux liés à la lutte contre les pratiques frauduleuses ou
trompeuses. C’est le principe directeur du règlement
européen 2017-625 du 15 mai 2017 sur les contrôles officiels de la
chaîne alimentaire, adopté dans le contexte du scandale de la
viande de cheval de 2013 et qui s’appliquera dès le mois de
décembre.
Une
action efficace implique en effet d’intervenir de façon coordonnée
sur tous les maillons de la chaîne alimentaire : on estime que 75
% des maladies humaines émergentes sont d’origine animale.
Les
actions conduites dans les élevages avicoles pour prévenir les cas
de salmonelloses transmis par l’alimentation illustrent ce
principe. Il en va de même pour maîtriser les contaminations de la
chaîne alimentaire par des résidus de médicaments vétérinaires
ou de produits phytosanitaires.
L’approche
globale des risques conduit également à dépasser la dualité
historique entre sécurité sanitaire et répression des fraudes. En
effet, pour des raisons liées à la mondialisation des échanges, à
la complexification des circuits commerciaux et à une pression
toujours plus forte sur les prix, ces deux risques sont aujourd’hui
étroitement liés et représentent les deux facettes d’un même
enjeu : celui de la sécurité de l’alimentation.
L’histoire
récente des crises et scandales alimentaires nous l’a montré : un
problème sanitaire peut révéler l’existence d’une fraude (ce
fut le cas des œufs contaminés au fipronil à l’été 2017), de
la même façon qu’une fraude peut soulever des questions sur la
sécurité de la chaîne alimentaire (voir le scandale de la viande
de cheval en 2013).
Le
deuxième principe repose sur la nécessité de regrouper sous une
même autorité, et sur l’ensemble des niveaux de la chaîne de
commandement (national, régional et départemental), les agents de
la DGAL et de la DGCCRF. Une action efficace de l’Etat implique en
effet d’associer les compétences scientifiques, techniques et
juridiques des deux principales administrations assurant des missions
de contrôle sur la chaîne alimentaire.
Les
autorités de contrôle ne devraient plus fonctionner « en tuyau
d’orgue », une administration surveillant l’utilisation des
produits phytosanitaires dans les champs pendant que l’autre
contrôle la présence de résidus sur les cultures après récolte.
Autre exemple pour les établissements fabriquant des poudres de lait
infantile, pour lesquels les services de la DGAL délivrent
l’agrément sanitaire tout en étant soumis à des contrôles de la
DGCCRF, qui dispose d’une compétence spécifique dans le secteur
de l’alimentation infantile.
La
France est certainement le seul pays européen ayant désigné deux
points de contact pour le réseau européen d’alerte sanitaire
comme pour le réseau sur les fraudes alimentaires. La séparation
entre ces deux administrations pour traiter un même sujet, celui de
la sécurité de l’alimentation, se révèle de plus en plus
inadaptée, et représente un handicap par rapport aux autres Etats
ayant déjà mis en place une autorité unique de contrôle. Si le
regroupement des autorités de contrôle n’est pas imposé par le
nouveau règlement européen, ce dernier précise que chaque Etat
membre doit désigner une autorité unique chargée de la coopération
avec la Commission européenne et les autres Etats membres.
Le
dernier principe consiste à assurer un financement suffisant et
stable des contrôles officiels. Le règlement européen précise
notamment qu’il « convient, pour réduire la dépendance du
système de contrôles officiels à l’égard des finances
publiques, que les autorités compétentes perçoivent des redevances
ou des taxes couvrant les frais qu’elles supportent pour effectuer
les contrôles officiels (…) ».
En
effet, plusieurs rapports récents ont mis en évidence la diminution
sensible des moyens des deux administrations ainsi que la
nécessité de renforcer les contrôles officiels. Par ailleurs,
l’enquête conduite par un grand cabinet d’audit montre une
fragilité du dispositif français, financé essentiellement par le
contribuable (10 % seulement du budget provient des
professionnels du secteur agroalimentaire, alors que ce taux se situe
entre 28 et 47 % pour les pays ayant fait l’objet de l’analyse).
L’extension des redevances sanitaires prévues au niveau européen
apporterait des ressources nouvelles au profit tant des consommateurs
que des professionnels concernés.
La
mise en place d’une police unifiée de l’alimentation s’appuyant
sur ces trois principes peut se concevoir soit par la création d’une
direction interministérielle de la sécurité alimentaire, rattachée
au Premier ministre, soit par celle d’une agence publique de
contrôle placée sous la tutelle des différents ministères
concernés
Il
y a une vingtaine d’années, la création des agences sanitaires
avait permis de rénover le dispositif national d’évaluation des
risques. Aujourd’hui, toutes les raisons sont réunies pour engager
une réorganisation en profondeur de nos administrations de contrôle
: nouveaux risques sur la sécurité de notre alimentation, défiance
exprimée par les consommateurs à l’égard de leur alimentation
comme des autorités publiques de contrôle, tout comme l’intérêt
des filières agroalimentaires elles-mêmes, pour lesquelles la
solidité du dispositif public de contrôle est un atout
incontournable face à la concurrence internationale.
Une
telle réforme répond également à la demande de proximité, de
simplicité et d’efficacité du service public exprimée par nos
concitoyens.
Commentaire.
La réforme ne sera complète que si le consommateur est informé
complètement sur le nouveau dispositif et de façon transparente.
Par
ailleurs, un site officiel unique des ravis de appels a été aussi
promis, mais il est toujours attendu ...
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