Tribune
parue dans Figaro Vox du 26 mai 2020 de Marcel Kuntz: «Le
coronavirus révèle une science malade du militantisme et de
l’idéologie»
Le
chercheur Marcel Kuntz s’irrite des scientifiques qui lient la
pandémie aux enjeux écologiques en plaquant leur grille idéologique
sur les faits.
Marcel
Kuntz est biotechnologiste végétal et directeur de recherche au
CNRS.
Beaucoup
d’analystes ont noté la propension des idéologues à greffer leur
vision du monde sur la crise du Covid-19, ses causes et sur le «monde
d’après». D’un autre côté des spécialistes, de la médecine
notamment, tiennent dans les médias, sauf exceptions, des propos
rationnels et ouverts au doute face à un virus dont on ne sait pas
tout. Les scientifiques seraient-ils naturellement immunisés contre
l’idéologie? La réalité du monde scientifique est en fait bien
plus inquiétante.
Revenons
un instant sur l’appel «Non
à un retour à la normale» de
200 artistes. On notera, si on a pu lire l’indécent appel jusqu’au
bout, qu’il a également été signé par des scientifiques. Ces
derniers veulent-ils eux aussi devenir des «famous people»? Vanitas
vanitatum et omnia vanitas.
Plus
alarmantes sont les affirmations sans base scientifique, reprises par
certains scientifiques, sur la cause du Covid-19 ou sa propagation,
dont le «dérèglement» du climat, l’agriculture intensive; les
activistes anti-pesticides dénonçant, devinez quoi, «les
parallèles évidents entre la crise du coronavirus et l’expansion
sans fin des pesticides» (il
faut comprendre les pesticides de synthèse, pas ceux utilisés en
agriculture biologique!). Cette sélective propagande anti-pesticide
a eu, depuis des années, l’appui de scientifiques dont le but de
recherche est de montrer l’impact, dogmatiquement présupposé
délétère, des éléments entrants dans la production de
l’agriculture moderne.
Le
mode de financement actuel de la recherche publique pose problème.
Alors
que l’influence alléguée des industriels est dénoncée en
boucle, le mélange de plus en plus problématique entre démarche
scientifique et a priori idéologiques l’est rarement. Il a atteint
des sommets avec la récente campagne médiatique, initiée par
quelques scientifiques sur une «biodiversité
maltraitée» qui
serait, affirment-ils, la cause de la pandémie actuelle.
Nous
touchons là également à un autre problème majeur, celui du mode
de financement actuel de la recherche publique. Sa planification à
l’excès, via des appels d’offre d’organismes publics,
favorisent les bonimenteurs, ceux qui n’auront aucun scrupule à
prétendre que leurs recherches vont d’une manière ou d’une
autre «sauver la planète». Si votre sujet de recherche affiché
est de documenter le rôle de la biodiversité comme facteur central
dans l’émergence des maladies infectieuses, vous vous condamnez à
confirmer vos préjugés… pour continuer à recevoir des subsides
publics.
Cette
organisation perverse de la recherche touche toutes les couches du
millefeuille bureaucratique de la science étatique. La compétition
de tous contre tous concerne aussi les organismes de recherche et les
«Alliances» qui fédèrent la recherche publique française autour
de thèmes transversaux. Ainsi on a pu lire «seize
dirigeants d’organismes scientifiques», en
fait tous membres de l’Alliance pour l’environnement (AllEnvi),
s’alignant sur cette information non démontrée: «La
pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de
l’environnement».
De plus, l’inouï battage médiatique sur ce sujet a-t-il pu se
mettre en place sans le soutien actif d’un service de communication
d’un organisme scientifique?
En
réalité, il n’existe absolument aucune étude établissant un
lien entre la crise actuelle et la biodiversité. Ce dernier concept
est aujourd’hui utilisé à tort et à travers, comme synonyme de
nature. Des animaux maltraités sur un marché en Chine, cela n’a
rien à voir avec «la biodiversité». Scientifiquement la
biodiversité comporte différents niveaux (diversités de gènes,
espèces, écosystèmes, etc.). Il est fallacieux de lier un
quelconque phénomène à «la» biodiversité sans en préciser le
niveau. Il est tout aussi spécieux de vouloir regrouper toutes les
maladies qualifiées de zoonoses comme dérivant d’une cause
unique. Chacune est un cas particulier. Suivant les maladies, les
études suggèrent en fait une participation positive, neutre ou
négative du niveau de biodiversité étudié. Ces études restent
dans le domaine de la corrélation et non pas de la seule preuve qui
vaille, celle de la démonstration d’une cause à effet.
Les
dérives actuelles de la recherche vont plus loin, pour atteindre les
confins de la «méconduite». Ainsi, une Note de l’Académie
d’agriculture de France intitulée «Santé
et alimentation: attention aux faux semblants statistiques!»
alerte
à bon droit sur «plusieurs
études épidémiologiques très médiatisées [qui] déclarent avoir
observé des liens statistiques forts entre le risque de cancer et la
consommation d’aliments bio ou [à l’inverse] ultra-transformés»
mais «dont un examen attentif montre la fragilité…». Bien
d’autres thèmes sont concernés par une «fragilité»,
comme
les
études prétendant prouver que les scientifiques femmes sont
discriminées, les rangeant ainsi par idéologie dans une catégorie
victimaire.
La
recherche scientifique est donc bien malade, de son organisation
bureaucratique, du politiquement correct (préféré à la
distinction du vrai et du faux), de l’idéologie écologiste pour
certains, et d’une incapacité croissante à penser «hors de la
boite» pour remédier à ses problèmes.
Mise à jour du 4 juin 2020.
On lira l'interview de Marcel Kuntz L’origine des fausses affirmations concernant le prétendu lien entre coronavirus et perte de biodiversité dans le blog agriculture & environnement.
Mise à jour du 4 juin 2020.
On lira l'interview de Marcel Kuntz L’origine des fausses affirmations concernant le prétendu lien entre coronavirus et perte de biodiversité dans le blog agriculture & environnement.
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