lundi 5 octobre 2020

Glyphosate: le mensonge confronté à la réalité, par Gérard Kafadaroff, membre du Collectif Science-Technologies-Actions (STA)

«Glyphosate: le mensonge confronté à la réalité», la tribune de Gérard Kafadaroff parue dans l'Opinion le 5 octobre 2020.
« Etonnamment, les scientifiques et leurs organisations resteront muets ou très discrets face à ce scandale politique. Aucune voix forte dans l’intelligentsia française ne viendra secouer le conditionnement de la population »
Le 27 novembre 2017, jour où les Etats membres de l’Union européenne ont voté le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour cinq ans, le Président Macron publiait sur Twitter le message suivant : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées et au plus tard dans 3 ans » ! Une décision strictement politique pour satisfaire les exigences de Nicolas Hulot Ministre de l’écologie et surtout celles de l’électorat écolo. Une décision précipitée, sans concertation avec les experts scientifiques ni les responsables agricoles, sans analyse risques/bénéfices, sans étude d’impact.

Naïveté et ignorance
Une décision naïve, une alternative au glyphosate ne pouvant se trouver en trois ans, surtout en France qui n’a plus d’industrie phytosanitaire. Une décision trouvant prétexte dans le classement «cancérogène probable» du glyphosate en mars 2015 par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) tout en occultant les avis de toutes les autres agences sanitaires, française (ANSES), européennes (EFSA, ECHA) et internationales (*) et même celui de l’OMS, maison mère du CIRC.

Ne sera même pas prise en compte la vaste étude de cohorte américaine (Agricultural Health Study) publiée en novembre 2017 portant sur 54 000 agriculteurs suivis pendant plus de vingt ans et concluant à l’absence de lien entre exposition au glyphosate et cancer. Pas plus que les conflits d’intérêts et l’absence de transparence du CIRC (**) qui auraient justifié une grande prudence sur ses avis et une enquête sur son fonctionnement ! Une décision ignorant délibérément que nombre de produits courants et largement consommés sont aussi classés «cancérogène probable», comme la viande rouge.


Peut-être aussi le retour d’expérience exceptionnel de près d’un demi-siècle d’utilisation dans le monde sans problème ! Les contacts s’engagent avec les professionnels, de nouvelles études sont lancées, des budgets alloués, des commissions créées et les rétropédalages vont se succéder : pas d’interdiction sans solutions alternatives, « pas d’interdiction à 100 % », dérogations pour l’agriculture de conservation des sols, les terrains « non mécanisables », les cultures légumières sous contrat. La dangerosité du glyphosate serait-elle à géométrie variable ? Réelle pour certains agriculteurs et pas pour d’autres ?
L’interdiction ciblée du glyphosate est ingérable et s’avère un pseudo-compromis, un «en même temps» cherchant à satisfaire écolos et agriculteurs.
Ingérable
On a oublié que le glyphosate dès sa mise en marché en 1974 a surtout été utilisé pour détruire les mauvaises herbes vivaces, difficiles à combattre, comme le chiendent et le liseron. Il a contribué à réduire fortement ces adventices vivaces beaucoup moins présentes aujourd’hui dans les vignes et les champs, mais une interdiction du glyphosate conduira au retour de ces mauvaises herbes pour de très nombreux agriculteurs sans véritable alternative efficace. Faudra-t-il de nouvelles dérogations ? Mais comment gérer ces dérogations ? Par une armée de contrôleurs assermentés sur le terrain ? L’interdiction ciblée du glyphosate est ingérable et s’avère un pseudo-compromis, un «en même temps» cherchant à satisfaire écolos et agriculteurs.

En réalité, la plupart des responsables politiques savent que le glyphosate ne présente pas de risque cancérigène et qu’il est l’un des produits phytopharmaceutiques les plus sûrs, mais impossible pour eux de se dédire alors que le matraquage militant et médiatique est parvenu en quelques années à discréditer ce désherbant aux yeux de l’opinion. Les politiques les plus avisés savent que la toxicité aiguë par voie orale du glyphosate est faible, plus faible que celle du sel de cuisine, mais défendre le glyphosate en France, rétablir la vérité serait un suicide politique. Un mensonge répété des milliers de fois est devenu vérité même pour les esprits les plus éclairés !

Les informations venues des Etats-Unis reprises dans les médias concernant des jugements de jurys populaires rendant le glyphosate responsable de cas de cancers (sur la base de critères de responsabilité juridique déconnectés de la réalité scientifique) alimentera la peur, mais le comportement cupide de cabinets d’avocats prédateurs sera ignoré.

Agriculture administrée
Etonnamment, les scientifiques et leurs organisations resteront muets ou très discrets face à ce scandale politique. Aucune voix forte dans l’intelligentsia française ne viendra secouer le conditionnement de la population. Et parmi les médias friands de sensationnalisme, France Télévisions se distinguera par ses reportages alarmistes et trompeurs sur le glyphosate indignes d’une chaîne publique d’informations.
L’esprit critique, le comportement rationnel, l’intérêt du pays cèdent progressivement le pas à une paresse intellectuelle, au culte paralysant de la précaution et à des calculs électoraux à court terme.
A défaut d’une agriculture s’appuyant sur l’innovation technologique, se développe une agriculture administrée sous la férule du ministère de l’Ecologie qui a déjà pris le pas sur le ministère de l’Agriculture ou celui de la Recherche ! Il est clair que l’intérêt des politiques pour l’agriculture se mesure, au fil du temps, non pas à sa fonction première de nourrir la population, son importance économique, à son intérêt pour la souveraineté alimentaire ou au bien-être des agriculteurs mais à son impact sur l’environnement et surtout à son poids électoral déclinant.

Combat anti-écologique
Les écolos radicaux militant pour l’interdiction du glyphosate, ignorent ou feignent d’ignorer que leur combat n’a que peu de rapport avec la véritable discipline scientifique qu’est l’écologie. Sans glyphosate, et au-delà des surcoûts engendrés, c’est davantage de travail mécanique du sol, de carburant, d’émission de CO2, c’est davantage d’érosion, c’est la vie biologique et la fertilité des sols affectées. L’aveuglement de l’écologie politique conduisant à des solutions contraires à un véritable progrès écologique n’est pas nouveau à l’instar du maïs Bt génétiquement modifié, interdit en France, alors qu’il évite des traitements insecticides et est plus sain pour le consommateur. Même erreur dans un autre domaine avec l’arrêt de Fessenheim et d’autres centrales nucléaires dont l’arrêt est programmé, qui ont pourtant permis à la France d’être un pays parmi les plus faibles émetteurs de CO2 avec une électricité bon marché. Plus grave, cet aveuglement idéologique a contaminé les responsables politiques sans qu’une réelle opposition, s’appuyant sur l’expertise scientifique et la confrontation au réel, se manifeste.

L’esprit critique, le comportement rationnel, l’intérêt du pays cèdent progressivement le pas à une paresse intellectuelle, au culte paralysant de la précaution et à des calculs électoraux à court terme. Le glyphosate, au-delà du mensonge politique, est révélateur de la dérive de nos gouvernants et de la société !


Gérard Kafadaroff est ingénieur agronome, membre du Collectif Science-Technologies-Actions (STA).

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