Concernant
le système
de surveillance du SHU chez l’enfant âgé de moins de 15 ans en France, l’InVS
rapporte :
En France, la recherche des E. coli producteurs de shigatoxines (STEC) dans les selles n’étant pas effectuée en routine dans les laboratoires d’analyses médicales, la surveillance de ces infections est basée sur la surveillance du syndrome hémolytique et urémique (SHU). Les objectifs de cette surveillance sont de suivre les tendances spatio-temporelles du SHU chez les enfants âgés de moins de 15 ans, de connaître les caractéristiques épidémiologiques des cas et de détecter des phénomènes épidémiques.
Cette surveillance a été mise en place en 1996, par Santé publique France en collaboration avec la Société de néphrologie pédiatrique, à la suite d’une étude sur les années 1995-1996 qui avait montré que 86 % des SHU pédiatriques en France survenaient suite à une infection à STEC.
Elle porte sur les SHU survenant chez les enfants de moins de 15 ans et repose sur un réseau constant de 32 services de pédiatrie et de néphrologie pédiatrique de centres hospitaliers répartis sur tout le territoire métropolitain, qui participent volontairement. En complément de ce réseau, d’autres services notifient ponctuellement les cas de SHU hospitalisés dans leurs services.
Dans le numéro du 21
février 2019 d’Eurosurveillance*, il est question de « Paediatric
haemolytic uraemic syndrome related to Shiga toxin-producing Escherichia coli, an overview of 10
years of surveillance in France, 2007 to 2016 » ou Syndrome hémolytique et urémique
pédiatrique lié à Escherichia coli producteurs de shigatoxines, une
revue de 10 ans de surveillance en France, de 2007 à 2016.
Résumé.
Introduction
Le
syndrome hémolytique et urémique (SHU) lié aux Escherichia coli
producteurs de shigatoxines (STEC) est la principale cause
d'insuffisance rénale aiguë chez les jeunes enfants. En France, la
surveillance du SHU chez les enfants de moins de 15 ans a été mise
en place à partir de 1996.
Objectif
Nous
présentons les résultats de cette surveillance entre 2007 et 2016.
Méthodes
Un
réseau national volontaire de 32 départements de pédiatrie notifie
les cas. Deux centres de référence nationaux effectuent la
confirmation microbiologique des STEC.
Résultats
Au
cours de la période de l'étude, le taux d'incidence (du SHU en
pédiatrie était de 1,0 pour 100 000 enfants par an, avec une
médiane de 116 cas par an. En 2011, les taux d'incidence ont culminé
à 1,3 pour 100 000 enfants par an et ont diminué à 1,0 pour 100
000 enfants par an en 2016. Le SHU associé à STEC O157 a culminé à
37 cas en 2011 et a diminué à sept cas en 2016. Les cas de SHU
associés à STEC O26 ont augmenté depuis 2010 et des cas de SHU
associés à STEC O80 sont apparus depuis 2012, avec respectivement
28 et 18 cas déclarés en 2016. Quatre épidémies à STEC-SHU
d'origine alimentaire ont été détectées (trois STEC O157 liées
de la viande hachée bovine et aux fromages au lait cru et un STEC
O104 lié aux graines germées de fenugrec). En outre, deux épidémies
liées à la transmission d'une personne à l'autre se sont produites
dans des jardins d'enfants distincts (STEC O111 et O26).
Conclusions
Aucun
changement majeur dans les taux d’incidence du SHU n'a été
observé au cours de la période d'étude de 10 ans. Cependant, les
changements dans les sérogroupes de STEC au fil du temps et les
éclosions détectées militent en faveur d'une surveillance
épidémiologique et microbiologique continue.
J’ai souhaité vous
rapporter ci-dessous la discussion (sans les références bibliographiques) et la
conclusion :
Discussion
Les informations
recueillies depuis 1996 ont permis de décrire les tendances spatiales et
temporelles de l’incidence du SHU chez les enfants. En outre, la description
des caractéristiques des cas et des souches de STEC a également été rendue
possible.
Nous avons observé
une forte saisonnalité et une hétérogénéité spatiale des taux d’incidence,
documentées précédemment en France entre 1996 et 2006. La saisonnalité et
l'hétérogénéité spatiale sont également observées aux États-Unis et ailleurs en
Europe.
Un changement
important est intervenu en France concernant les sérogroupes STEC observés dans
les cas de SHU pédiatrique entre 2007 et 2016. STEC O157 a diminué depuis 2011,
tandis que le sérogroupe O26 a augmenté depuis 2010 et que le sérogroupe O80
est apparu en 2012. La diminution du nombre de STEC O157 et un nombre croissant
de cas de SHU liés à STEC O26 ont également été signalés ailleurs en Europe. En
2005, une éclosion à STEC O157 liée à la consommation de burgers de bœuf
congelés a concerné 69 patients, dont 17 cas de SHU en France. À la suite de
cet épisode, plusieurs mesures préventives dans le secteur de la viande ont été
mises en œuvre par le ministère français de l'agriculture, de l'agroalimentaire
et de la forêt. En particulier, les mesures de gestion des STEC dans la viande
hachée ont été améliorées et les exploitants du secteur alimentaire effectuent
un dépistage systématique des STEC. La diminution du nombre de cas de SHU pédiatrique
liés à STEC O157 depuis 2011 en France pourrait être une conséquence de ces
mesures, qui incluaient également des règles d'hygiène détaillées pour la
production de viande hachée, le bétail constituant le principal réservoir de
STEC O157.
Les facteurs à
l'origine de l'émergence du sérogroupe O80 en France restent inexpliqués malgré
les enquêtes épidémiologiques renforcées menées en 2015. Cette émergence
soulève des préoccupations spécifiques, car une infection par STEC O80 pourrait
entraîner une morbidité liée à STEC jusqu'alors peu commune, telle que la
septicémie. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux caractériser
cette souche émergente et ses déterminants. Les modifications des sérogroupes
STEC pourraient être associées à des modifications du pouvoir pathogène, comme
observé avec le sérogroupe O80.
Outre les facteurs
de risque d'origine alimentaire classiques liés aux STEC, des véhicules
jusque-là non documentés, tels que les graines de fenugrec bio (STEC O104:H4),
ont provoqué des éclosions au cours de la période d'étude. Des véhicules
inattendus doivent être pris en compte dans le contexte d’une éclosion, en
particulier lorsque les facteurs de risque traditionnels pour les STEC ne sont
pas décrits dans l’investigation initiale.
Les enquêtes effectuées
ont permis de mettre en œuvre des mesures de contrôle dans plusieurs cas. Le
retrait et le rappel des produits contaminés ont été définis dans les foyers
liés à la viande hachée bovine contaminée. À la suite de la première épidémie
due à une transmission interhumaine dans un jardin d'enfants, le Conseil
supérieur de la santé publique français a formulé des recommandations visant à
lutter contre les épidémies de STEC dans les crèches et les écoles.
Le réseau de
surveillance multidisciplinaire a impliqué des cliniciens (principalement des
néphrologues pédiatriques), des épidémiologistes, des microbiologistes et des
responsables de la santé publique vétérinaire sur une période de 20 ans. Sa
stabilité dans le temps est une force de ce système de surveillance. Il permet
aux cliniciens d'informer Santé publique France des cas de SHU pédiatriques et
d'alerter si des cas d'infection par STEC sont soupçonnés d'être regroupés.
Toutes les unités
pédiatriques françaises spécialisées en néphrologie participent au réseau de
surveillance français du SHU pédiatrique depuis 1996. Cependant, les cas de SHU
pédiatriques sporadiques peuvent être sous-déclarés. Ceci est suggéré par
l'augmentation temporaire du nombre de cas sporadiques signalés dans les mois
qui ont suivi les épidémies, probablement en raison de la sensibilisation
accrue des cliniciens au cours de ces périodes. La sensibilité de la
notification au système de surveillance pédiatrique STEC-SHU était estimée à
66% en 2005 (intervalle de confiance à 95%: 58–70) [13]. Depuis 2012, aucune
épidémie majeure de SHU STEC avec couverture médiatique n'est survenue en
France. Cela a peut-être eu pour effet de rendre les cliniciens moins
conscients au cours des dernières années de l’étude et d’avoir contribué à une
sous-déclaration. Des estimations actualisées de la sensibilité du système de
surveillance seraient utiles.
Dans plusieurs pays,
le SHU lié aux STEC est une infection à déclaration obligatoire et le Center
for Disease Control and Prevention des États-Unis recommande le dépistage
systématique des STEC dans les selles dans tous les cas de diarrhée. En France,
la plupart des laboratoires ne testent pas systématiquement les STEC dans les
selles des patients atteints de diarrhée, à moins que les cliniciens le demandent
expressément. L'absence d'un panel de tests standard et d'un protocole pour les
cultures de selles et le remboursement financier approprié des laboratoires
sont également des facteurs contribuant à des sous analyses qui sont difficiles
à résoudre. Lorsqu'elles sont effectuées, la confirmation microbiologique des
STEC et la caractérisation des souches s'appuient sur le Centre national de
référence pour les échantillons humains et son laboratoire associé. Cela permet
de détecter toute augmentation du nombre de cas de SHU-STEC pédiatriques liés à
un sérogroupe STEC donné, ainsi que de grappes dispersées sur l'ensemble du
territoire métropolitain.
La disponibilité
croissante de méthodes non basées sur la culture pour identifier un panel
d'infections peut augmenter le nombre d'infections STEC détectées. Par exemple,
la détection des STEC peut être réalisée par PCR multiplex dans les selles.
Cependant, des efforts devraient être déployés pour isoler les souches de STEC
chez tous les patients présentant un dépistage positif de stx dans les selles. C’est le seul moyen de relier des affaires
éparses, en particulier dans un contexte de disponibilité croissante de WGS (Whole Genome Sequencing). En effet, le WGS permet une caractérisation
complète des souches de STEC et l'identification de cas groupés qui ne peuvent
pas être identifiées uniquement sur la base d'informations épidémiologiques,
telles que des épidémies dispersées géographiquement ou des épidémies
prolongées avec une source persistante générant une augmentation limitée du
nombre de cas, mais plus une longue période de temps. L'importance de la
collecte précoce des selles réalisée lors de l'admission des cas de SHU en
pédiatrie, ou de l'écouvillonnage rectal lorsqu'un échantillon de selles n'est
pas disponible, doit être soulignée aux cliniciens.
Conclusion
Le système de
surveillance français du SHU pédiatrique a constaté une diminution du nombre de
SHU liés au STEC O157 et l'émergence de STEC O26 et STEC O80 en France. Six
foyers ont été détectés et des mesures de contrôle mises en place. Ce système
de surveillance évolue, les analyses des selles plus répandues sur les cas de
gastro-entérite pour les STEC et l'utilisation systématique du WGS permettront
d'améliorer sa capacité à décrire plus en détail les caractéristiques des
souches de STEC et à détecter des épidémies
Référence
Bruyand Mathias,
Mariani-Kurkdjian Patricia, Le Hello Simon, King Lisa-A, Van Cauteren Dieter,
Lefevre Sophie, Gouali Malika, Jourdan-da Silva Nathalie, Mailles Alexandra,
Donguy Marie-Pierre, Loukiadis Estelle, Sergentet-Thevenot Delphine, Loirat
Chantal, Bonacorsi Stéphane, Weill François-Xavier, De Valk Henriette, Réseau
français hospitalier de surveillance du SHU pédiatrique. Paediatric haemolytic
uraemic syndrome related to Shiga toxin-producing Escherichia coli, an overview of 10 years of surveillance in
France, 2007 to 2016. Euro Surveill. 2019;24(8):pii=1800068. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2019.24.8.1800068
Notons qu’il y a eu 164 SHU pédiatrique
en 2017, selon l’InVS.
Le sérogroupe le plus fréquemment observé était O157 (27, soit 19% des 142 cas de SHU pour lesquels un résultat d’analyse de selles était disponible), suivi par le sérogroupe O26 (23, soit 16% des cas) et le sérogroupe O80 (21, soit 15%).
Après plusieurs années de baisse, le nombre de notifications de cas de SHU pédiatriques infectés par une souche de STEC O157 est revenu au niveau observé entre les années 2010 et 2014. Cette augmentation de cas de SHU à STEC O157 observée en 2017 ne suffit cependant pas à expliquer l’augmentation du nombre de SHU pédiatriques notifiés en 2017.
En 2018, la dernière
épidémie de syndrome hémolytique et urémique pédiatrique a été à Escherichia coli O26 en France
métropolitaine en lien avec la consommation de reblochon.
En 2019, il y a eu
cinq notifications au RASFF de l'UE pour des fromages contaminés par des STEC
et cinq rappels en France, selon le site Oulah, dont quatre rappels de fromages (3 STEC O26:H11 et 1 STEC O157:H7) et un rappel de
moules (O26:H11) pour cause de STEC.
NB : La photo est issue du Helmholtz Centre for Infection Research
que l'on peut retrouver sur ce lien. ©
HZI/Manfred Rohde.
Complément du 10 avril 2019. On lira 3 questions à Mathias Bruyand de Santé publique France à propos de l’’article qui vient d’être publié dans Eurosurveillance par Santé publique France et ses partenaires décrivant les principaux résultats de cette surveillance en France entre 2007 et 2016. L'article en question s'intitule, « Syndrome hémolytique et urémique pédiatrique lié à Escherichia coli producteur de toxines Shiga, bilan de 10 années de surveillance en France, 2007-2016 ».
Complément du 10 avril 2019. On lira 3 questions à Mathias Bruyand de Santé publique France à propos de l’’article qui vient d’être publié dans Eurosurveillance par Santé publique France et ses partenaires décrivant les principaux résultats de cette surveillance en France entre 2007 et 2016. L'article en question s'intitule, « Syndrome hémolytique et urémique pédiatrique lié à Escherichia coli producteur de toxines Shiga, bilan de 10 années de surveillance en France, 2007-2016 ».
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