jeudi 21 mars 2019

SHU pédiatrique lié à Escherichia coli producteurs de shigatoxines, une revue de 10 ans de la surveillance en France, 2007 à 2016


En France, la recherche des E. coli producteurs de shigatoxines (STEC) dans les selles n’étant pas effectuée en routine dans les laboratoires d’analyses médicales, la surveillance de ces infections est basée sur la surveillance du syndrome hémolytique et urémique (SHU). Les objectifs de cette surveillance sont de suivre les tendances spatio-temporelles du SHU chez les enfants âgés de moins de 15 ans, de connaître les caractéristiques épidémiologiques des cas et de détecter des phénomènes épidémiques. 

Cette surveillance a été mise en place en 1996, par Santé publique France en collaboration avec la Société de néphrologie pédiatrique, à la suite d’une étude sur les années 1995-1996 qui avait montré que 86 % des SHU pédiatriques en France survenaient suite à une infection à STEC.  

Elle porte sur les SHU survenant chez les enfants de moins de 15 ans et repose sur un réseau constant de 32 services de pédiatrie et de néphrologie pédiatrique de centres hospitaliers répartis sur tout le territoire métropolitain, qui participent volontairement. En complément de ce réseau, d’autres services notifient ponctuellement les cas de SHU hospitalisés dans leurs services.
Dans le numéro du 21 février 2019 d’Eurosurveillance*, il est question de « Paediatric haemolytic uraemic syndrome related to Shiga toxin-producing Escherichia coli, an overview of 10 years of surveillance in France, 2007 to 2016 » ou Syndrome hémolytique et urémique pédiatrique lié à Escherichia coli producteurs de shigatoxines, une revue de 10 ans de surveillance en France, de 2007 à 2016.


Résumé.
Introduction
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) lié aux Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) est la principale cause d'insuffisance rénale aiguë chez les jeunes enfants. En France, la surveillance du SHU chez les enfants de moins de 15 ans a été mise en place à partir de 1996. 
Objectif
Nous présentons les résultats de cette surveillance entre 2007 et 2016. 
Méthodes
Un réseau national volontaire de 32 départements de pédiatrie notifie les cas. Deux centres de référence nationaux effectuent la confirmation microbiologique des STEC. 
Résultats
Au cours de la période de l'étude, le taux d'incidence (du SHU en pédiatrie était de 1,0 pour 100 000 enfants par an, avec une médiane de 116 cas par an. En 2011, les taux d'incidence ont culminé à 1,3 pour 100 000 enfants par an et ont diminué à 1,0 pour 100 000 enfants par an en 2016. Le SHU associé à STEC O157 a culminé à 37 cas en 2011 et a diminué à sept cas en 2016. Les cas de SHU associés à STEC O26 ont augmenté depuis 2010 et des cas de SHU associés à STEC O80 sont apparus depuis 2012, avec respectivement 28 et 18 cas déclarés en 2016. Quatre épidémies à STEC-SHU d'origine alimentaire ont été détectées (trois STEC O157 liées de la viande hachée bovine et aux fromages au lait cru et un STEC O104 lié aux graines germées de fenugrec). En outre, deux épidémies liées à la transmission d'une personne à l'autre se sont produites dans des jardins d'enfants distincts (STEC O111 et O26). 
Conclusions

Aucun changement majeur dans les taux d’incidence du SHU n'a été observé au cours de la période d'étude de 10 ans. Cependant, les changements dans les sérogroupes de STEC au fil du temps et les éclosions détectées militent en faveur d'une surveillance épidémiologique et microbiologique continue.
J’ai souhaité vous rapporter ci-dessous la discussion (sans les références bibliographiques) et la conclusion :

Discussion
Les informations recueillies depuis 1996 ont permis de décrire les tendances spatiales et temporelles de l’incidence du SHU chez les enfants. En outre, la description des caractéristiques des cas et des souches de STEC a également été rendue possible.

Nous avons observé une forte saisonnalité et une hétérogénéité spatiale des taux d’incidence, documentées précédemment en France entre 1996 et 2006. La saisonnalité et l'hétérogénéité spatiale sont également observées aux États-Unis et ailleurs en Europe.

Un changement important est intervenu en France concernant les sérogroupes STEC observés dans les cas de SHU pédiatrique entre 2007 et 2016. STEC O157 a diminué depuis 2011, tandis que le sérogroupe O26 a augmenté depuis 2010 et que le sérogroupe O80 est apparu en 2012. La diminution du nombre de STEC O157 et un nombre croissant de cas de SHU liés à STEC O26 ont également été signalés ailleurs en Europe. En 2005, une éclosion à STEC O157 liée à la consommation de burgers de bœuf congelés a concerné 69 patients, dont 17 cas de SHU en France. À la suite de cet épisode, plusieurs mesures préventives dans le secteur de la viande ont été mises en œuvre par le ministère français de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. En particulier, les mesures de gestion des STEC dans la viande hachée ont été améliorées et les exploitants du secteur alimentaire effectuent un dépistage systématique des STEC. La diminution du nombre de cas de SHU pédiatrique liés à STEC O157 depuis 2011 en France pourrait être une conséquence de ces mesures, qui incluaient également des règles d'hygiène détaillées pour la production de viande hachée, le bétail constituant le principal réservoir de STEC O157.

Les facteurs à l'origine de l'émergence du sérogroupe O80 en France restent inexpliqués malgré les enquêtes épidémiologiques renforcées menées en 2015. Cette émergence soulève des préoccupations spécifiques, car une infection par STEC O80 pourrait entraîner une morbidité liée à STEC jusqu'alors peu commune, telle que la septicémie. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux caractériser cette souche émergente et ses déterminants. Les modifications des sérogroupes STEC pourraient être associées à des modifications du pouvoir pathogène, comme observé avec le sérogroupe O80.

Outre les facteurs de risque d'origine alimentaire classiques liés aux STEC, des véhicules jusque-là non documentés, tels que les graines de fenugrec bio (STEC O104:H4), ont provoqué des éclosions au cours de la période d'étude. Des véhicules inattendus doivent être pris en compte dans le contexte d’une éclosion, en particulier lorsque les facteurs de risque traditionnels pour les STEC ne sont pas décrits dans l’investigation initiale.

Les enquêtes effectuées ont permis de mettre en œuvre des mesures de contrôle dans plusieurs cas. Le retrait et le rappel des produits contaminés ont été définis dans les foyers liés à la viande hachée bovine contaminée. À la suite de la première épidémie due à une transmission interhumaine dans un jardin d'enfants, le Conseil supérieur de la santé publique français a formulé des recommandations visant à lutter contre les épidémies de STEC dans les crèches et les écoles.

Le réseau de surveillance multidisciplinaire a impliqué des cliniciens (principalement des néphrologues pédiatriques), des épidémiologistes, des microbiologistes et des responsables de la santé publique vétérinaire sur une période de 20 ans. Sa stabilité dans le temps est une force de ce système de surveillance. Il permet aux cliniciens d'informer Santé publique France des cas de SHU pédiatriques et d'alerter si des cas d'infection par STEC sont soupçonnés d'être regroupés.

Toutes les unités pédiatriques françaises spécialisées en néphrologie participent au réseau de surveillance français du SHU pédiatrique depuis 1996. Cependant, les cas de SHU pédiatriques sporadiques peuvent être sous-déclarés. Ceci est suggéré par l'augmentation temporaire du nombre de cas sporadiques signalés dans les mois qui ont suivi les épidémies, probablement en raison de la sensibilisation accrue des cliniciens au cours de ces périodes. La sensibilité de la notification au système de surveillance pédiatrique STEC-SHU était estimée à 66% en 2005 (intervalle de confiance à 95%: 58–70) [13]. Depuis 2012, aucune épidémie majeure de SHU STEC avec couverture médiatique n'est survenue en France. Cela a peut-être eu pour effet de rendre les cliniciens moins conscients au cours des dernières années de l’étude et d’avoir contribué à une sous-déclaration. Des estimations actualisées de la sensibilité du système de surveillance seraient utiles.

Dans plusieurs pays, le SHU lié aux STEC est une infection à déclaration obligatoire et le Center for Disease Control and Prevention des États-Unis recommande le dépistage systématique des STEC dans les selles dans tous les cas de diarrhée. En France, la plupart des laboratoires ne testent pas systématiquement les STEC dans les selles des patients atteints de diarrhée, à moins que les cliniciens le demandent expressément. L'absence d'un panel de tests standard et d'un protocole pour les cultures de selles et le remboursement financier approprié des laboratoires sont également des facteurs contribuant à des sous analyses qui sont difficiles à résoudre. Lorsqu'elles sont effectuées, la confirmation microbiologique des STEC et la caractérisation des souches s'appuient sur le Centre national de référence pour les échantillons humains et son laboratoire associé. Cela permet de détecter toute augmentation du nombre de cas de SHU-STEC pédiatriques liés à un sérogroupe STEC donné, ainsi que de grappes dispersées sur l'ensemble du territoire métropolitain.
La disponibilité croissante de méthodes non basées sur la culture pour identifier un panel d'infections peut augmenter le nombre d'infections STEC détectées. Par exemple, la détection des STEC peut être réalisée par PCR multiplex dans les selles. Cependant, des efforts devraient être déployés pour isoler les souches de STEC chez tous les patients présentant un dépistage positif de stx dans les selles. C’est le seul moyen de relier des affaires éparses, en particulier dans un contexte de disponibilité croissante de WGS (Whole Genome Sequencing). En effet, le WGS permet une caractérisation complète des souches de STEC et l'identification de cas groupés qui ne peuvent pas être identifiées uniquement sur la base d'informations épidémiologiques, telles que des épidémies dispersées géographiquement ou des épidémies prolongées avec une source persistante générant une augmentation limitée du nombre de cas, mais plus une longue période de temps. L'importance de la collecte précoce des selles réalisée lors de l'admission des cas de SHU en pédiatrie, ou de l'écouvillonnage rectal lorsqu'un échantillon de selles n'est pas disponible, doit être soulignée aux cliniciens.
Conclusion
Le système de surveillance français du SHU pédiatrique a constaté une diminution du nombre de SHU liés au STEC O157 et l'émergence de STEC O26 et STEC O80 en France. Six foyers ont été détectés et des mesures de contrôle mises en place. Ce système de surveillance évolue, les analyses des selles plus répandues sur les cas de gastro-entérite pour les STEC et l'utilisation systématique du WGS permettront d'améliorer sa capacité à décrire plus en détail les caractéristiques des souches de STEC et à détecter des épidémies

Référence
Bruyand Mathias, Mariani-Kurkdjian Patricia, Le Hello Simon, King Lisa-A, Van Cauteren Dieter, Lefevre Sophie, Gouali Malika, Jourdan-da Silva Nathalie, Mailles Alexandra, Donguy Marie-Pierre, Loukiadis Estelle, Sergentet-Thevenot Delphine, Loirat Chantal, Bonacorsi Stéphane, Weill François-Xavier, De Valk Henriette, Réseau français hospitalier de surveillance du SHU pédiatrique. Paediatric haemolytic uraemic syndrome related to Shiga toxin-producing Escherichia coli, an overview of 10 years of surveillance in France, 2007 to 2016. Euro Surveill. 2019;24(8):pii=1800068. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2019.24.8.1800068

Notons qu’il y a eu 164 SHU pédiatrique en 2017, selon l’InVS.
Le sérogroupe le plus fréquemment observé était O157 (27, soit 19% des 142 cas de SHU pour lesquels un résultat d’analyse de selles était disponible), suivi par le sérogroupe O26 (23, soit 16% des cas) et le sérogroupe O80 (21, soit 15%). 
Après plusieurs années de baisse, le nombre de notifications de cas de SHU pédiatriques infectés par une souche de STEC O157 est revenu au niveau observé entre les années 2010 et 2014. Cette augmentation de cas de SHU à STEC O157 observée en 2017 ne suffit cependant pas à expliquer l’augmentation du nombre de SHU pédiatriques notifiés en 2017.

En 2018, la dernière épidémie de syndrome hémolytique et urémique pédiatrique a été à Escherichia coli O26 en France métropolitaine en lien avec la consommation de reblochon.


En 2019, il y a eu cinq notifications au RASFF de l'UE pour des fromages contaminés par des STEC et cinq rappels en France, selon le site Oulah, dont quatre rappels de fromages (3 STEC O26:H11 et 1 STEC O157:H7) et un rappel de moules (O26:H11) pour cause de STEC.

NB : La photo est issue du Helmholtz Centre for Infection Research que l'on peut retrouver sur ce lien. © HZI/Manfred Rohde.

Complément du 10 avril 2019. On lira 3 questions à Mathias Bruyand de Santé publique France à propos de l’’article qui vient d’être publié dans Eurosurveillance par Santé publique France et ses partenaires décrivant les principaux résultats de cette surveillance en France entre 2007 et 2016. L'article en question s'intitule, « Syndrome hémolytique et urémique pédiatrique lié à Escherichia coli producteur de toxines Shiga, bilan de 10 années de surveillance en France, 2007-2016 ».

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