« La dictature des fantasmes », article
paru le 30 août 2019 dans Agri-Mutuel.com
Le
maire de Langouët, commune d’Ille-et-Vilaine comptant 602
habitants, comparaissait devant le tribunal administratif de Rennes
jeudi 22 août pour avoir pris un arrêté interdisant l'usage de
produits phytosanitaires près des habitations. Face à l’initiative
de l’élu local, Cédric Henry, président de la FDSEA brétillienne
(Îlle-et-Vilaine -aa), dénonce une « dictature permanente
des fantasmes » et les « injonctions autoritaires et
racoleuses d’élus qui dressent leur population contre des
paysans ».
« Langouët
est devenu depuis quelques temps le symbole d’une résistance et
d’une opposition citoyenne à l’utilisation des produits
phytosanitaires. Comme Sivens en son temps ou Notre-Dame-des-Landes
sur d’autres sujets.
Ces
mouvements contestataires peuvent être utiles et ont parfois le
mérite de faire avancer les débats sur des questions de société,
des questions primordiales qui nous touchent tous, comme la santé,
la biodiversité, la ressources en eau ou la qualité de l’air.
Pour
autant, je ne peux pas admettre ce qui se passe à Langouët. Nous
sommes face à un maire qui outrepasse ses droits. À quel titre, un
maire pourrait-il se substituer à un ministre ? La préfète a
eu raison de demander le retrait de cet arrêté. Accepter de telles
pratiques reviendrait à ouvrir la boîte de pandore, ce serait le
retour des barons locaux et du règne des seigneurs sur leurs serfs.
En
voulant interdire les produits phytosanitaires, on fait croire au
citoyen français que la production agricole nationale peut être
entièrement bio. Pensez-vous que tous les ménages sont prêts
aujourd’hui à manger 100 % bio et français, qui en aurait
vraiment les moyens ? Qui a fait aujourd’hui la démonstration
que nous pourrions maîtriser nos productions végétales sans aucun
produit de synthèse à grande échelle ? Qui a fait cette
démonstration en intégrant les coûts de production et la pénurie
de main d’œuvre ? Personne. La question de l’utilisation
des produits phytosanitaires, comme d’autres d’ailleurs
(bien-être animal, contribution de l’agriculture à l’effet de
serre, les OGM…), nécessite davantage de réflexion, d’objectivité
et d’honnêteté intellectuelle.
Prétexte
fondé, mais mesure inappropriée et inacceptable
Imaginez-vous
demain un maire prenant un arrêté qui interdit à ses administrés
la consommation de médicaments et de contraceptifs au prétexte que
des perturbateurs endocriniens se retrouvent dans l’eau du robinet.
Même si le prétexte est fondé, la mesure est inappropriée et
inacceptable.
Et
un autre maire qui prend un arrêté interdisant l’épandage de
boues de station d’épuration sur sa commune au prétexte qu’elles
contiennent des métaux lourds. Là encore, le prétexte est fondé,
mais la mesure inappropriée. Que ferait-on des montagnes de boues
que les villes et les métropoles envoient vers nos campagnes ?
Nous
sommes dans une dictature permanente des fantasmes, dans une course à
l’échalote pour savoir qui va laver plus blanc que blanc.
Nous
sommes dans une dictature permanente des fantasmes, dans une course à
l’échalote pour savoir qui va laver plus blanc que blanc. Qui sera
le plus exemplaire, le plus vert ? La profession agricole
propose des solutions, des compromis, des avancées mais ce n’est
jamais assez. Nous travaillons avec du vivant, avec le climat, nous
prenons des risques pour nourrir des millions de consommateurs. Nous
devrions avoir le soutien et l’admiration de tous les élus, sans
exception. Au lieu de cela, certains élus cultivent l’exclusion,
la stigmatisation en faisant rêver leurs électeurs. Ils promettent
la lune, font la promotion de fantasmes et cultivent la peur.
Je
suis d’accord pour que nous, les professionnels, la recherche, les
industriels, les consommateurs, les citoyens et les élus, nous
unissions nos intelligences, nos expériences, nos connaissances du
terrain pour imaginer et tester de nouvelles solutions qui répondent
aux attentes citoyennes tout en garantissant notre revenu. C’est le
principe du « contrat de solutions » imaginé par notre
syndicat (la FNSEA, ndlr). Mais je m’opposerai toujours fermement
aux injonctions autoritaires et racoleuses d’élus qui dressent
leur population contre des paysans qui ont choisi de pratiquer une
agriculture conventionnelle et raisonnée. »
NB :
On pourra aussi lire le « Petit
écolo-bêtisier de l’été » de Jean-Paul Oury paru dans
European Scientist.
Le dessin du haut de cet article est de mon fait. Source voir ce lien.
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