mercredi 13 novembre 2019

La résistance aux antibiotiques menace la santé et l'économie du Canada, selon un rapport


Annonce : S’agissant de l’information à propos des rappels de produits alimentaires, pour le moment, il ne faut pas faire confiance à nos autorités sanitaires (Ministère de l’agriculture et DGCCRF). Ces deux entités ont fait et font toujours preuve d’une incroyable légèreté et d’un manque d’informations fiables vis-à-vis des consommateurs avec comme corollaire une absence de transparence en matière de sécurité des aliments.
« Quand les antibiotiques échouent », rapport du Comité d’experts sur les incidences socioéconomiques potentielles de la résistance aux antimicrobiens au Canada du 12 novembre 2019.

Sommaire
Les antimicrobiens sauvent des vies au Canada, permettent des soins de santé modernes et jouent un rôle crucial dans l’agriculture. Ils ont réduit la charge économique, médicale et sociale des maladies infectieuses et sont intégrés à de nombreuses interventions médicales de routine, comme la césarienne, le remplacement d’articulation et l’amygdalectomie.

À mesure que l’utilisation des antimicrobiens a augmenté, les bactéries ont évolué pour devenir résistantes et certains médicaments ne parviennent désormais plus à traiter les infections. La résistance aux antimicrobiens (RAM) s’accroît partout dans le monde et en raison de l’intensité du commerce et des voyages, elle peut se propager rapidement, ce qui pose une grave menace pour tous les pays. Les conséquences de la RAM au Canada sont frappantes.

Quand les antibiotiques échouent examine les répercussions actuelles de la RAM sur notre système de santé, établit des projections des répercussions à venir sur le PIB du Canada et analyse comment une résistance étendue influencera le quotidien des Canadiens. Le rapport étudie ces questions à travers le prisme du principe « Une seule santé », qui reconnaît que la RAM est le fruit des interactions entre le milieu de la santé, l’environnement et l’agriculture. Il s’agit du rapport le plus complet réalisé à ce jour sur les incidences économiques de la RAM au Canada.

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En moyenne, 26% des infections bactériennes déclarées au Canada en 2018 étaient résistantes au traitement de première ligne, 14 000 décès étant liés à ces infections et 5 400 décès directement imputables à la résistance aux antibiotiques. Des séjours plus longs à l'hôpital et des traitements plus longs associés à des infections résistantes aux médicaments coûtent au système de santé canadien plus d'un milliard de dollars (en dollars canadiens), et l'impact sur la productivité du travail qui en résulte a coûté 2 milliards de dollars à l'économie du pays.

Si le taux de résistance aux antibiotiques grimpe à 40% d'ici 2050, le comité estime que 13 700 personnes mourront chaque année d'infections pharmaco-résistantes, les hôpitaux canadiens dépenseront 7,6 milliards de dollars supplémentaires par an et l'économie perdra 21 milliards de dollars par an.

« La RAM est une menace imminente pour la santé publique et un désastre économique potentiel au Canada », a conclu le comité.

Impacts sur la santé et l'économie
Les intervenants, un groupe d'experts en santé publique, en maladies infectieuses, en microbiologie, en santé vétérinaire, en économie et en sociologie, ont basé leurs conclusions sur diverses sources de données sanitaires, sociales et économiques, en s'appuyant sur des publications examinées par des pairs et des statistiques gouvernementales. Leur objectif ultime était d'évaluer l'impact socioéconomique de la RAM sur les Canadiens et le système de santé canadien.

Plutôt que d'examiner l'impact de certains agents pathogènes, ils ont choisi de se concentrer sur 10 syndromes cliniques importants qui, selon eux, englobent la majorité des infections pharmaco-résistantes au Canada: infections gastro-intestinales bactériennes, infections du sang, infections à Clostridiodes difficile, infections intra-abdominales, infections musculo-squelettiques. , pneumonie, infections sexuellement transmissibles, infections de la peau et d’autres tissus mous, tuberculose et infections des voies urinaires.

« Bien que ces 10 syndromes ne représentent pas tous les microbes résistants qui infectent des personnes au Canada, l'expérience du groupe scientifique les représente, ils représentent la majorité des cas », indique le rapport. Les données publiées ont été utilisées pour estimer le pourcentage de ces infections résistantes à un ou plusieurs antibiotiques de première intention et le pourcentage d'infections ayant entraîné la mort.

Sur la base de ces 10 syndromes, le comité estime que les Canadiens ont contracté 980 000 infections bactériennes en 2018 et que 250 000 (26%) étaient résistants au traitement de première intention. Le taux de mortalité moyen pour les infections pharmaco-résistantes était de 5,6% et les patients présentant des infections résistantes ont passé 880 000 jours supplémentaires à l'hôpital. Le rapport conclut que 4 sur 10 décès dues à une infection résistante n’auraient pas eu lieu, si l'infection était susceptible de subir un traitement de première intention.

Le panel prévoit en outre que si les recommandations de traitement ne changent pas et que les taux de résistance continuent sur leur trajectoire actuelle, un niveau de résistance de 40% d'ici 2050 est raisonnable et pourrait même être une sous-estimation. Et si cela tient, on estime que 396 000 décès par an seront liés à des infections pharmaco-résistantes

Les calculs des coûts de santé associés à la RAM, fondés sur des études du coût moyen du traitement des 10 syndromes cliniques causés par Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline, des entérocoques résistants à la vancomycine, des bactéries gram-négatives productrices de bêta-lactamases à spectre étendu et C. difficile, ont révélé que le traitement des patients atteints d’infections résistantes coûtait environ 18 000 $. Les infections les plus chères à traiter étaient la tuberculose, les infections des voies urinaires, les infections intra-abdominales et les infections gastro-intestinales bactériennes.

Ensemble, ces infections coûtent 1,4 milliard de dollars au système de santé canadien, ce qui représente 0,6% des dépenses nationales en soins de santé. Et si la résistance montait à 40%, les coûts associés passeraient entre 5,5 et 7,6 milliards de dollars par an, soit près de 1% des dépenses de santé.

« Une augmentation aussi importante d'une dimension des soins de santé imposerait des contraintes financières considérables au reste du système, ce qui entraînerait peut-être des réductions de dépenses ailleurs dans le système de santé ou dans les services publics », écrit le panel.

Et les coûts de la RAM ont été ressentis au-delà du système de santé. En utilisant un modèle économique qualitatif pour explorer la relation entre résistance, santé, productivité du travail, agriculture et commerce, le comité estime que les conséquences des décès et des maladies d'origine infectieuse sur la population active du pays ont réduit le produit intérieur brut du Canada de 2 milliards de dollars en 2018, 50% de la baisse de l'activité économique s'est produite dans les domaines les plus exigeants en main-d'œuvre, loisirs et culture, transports et services publics.

Si les taux de résistance continuent d'augmenter, le comité estime que la réduction de l'offre de main-d'œuvre qui en résulterait pourrait faire passer le PIB du Canada de 13 milliards à 21 milliards de dollars par an en 2050. Cumulativement, le pays pourrait perdre jusqu'à 388 milliards de dollars de 2018 à 2050.

Un problème socio-économique
Mais le rapport avertit également que la RAM aura de profonds effets au-delà des soins de santé et de l'économie, et pourrait éventuellement commencer à se déchirer au tissu social du pays. Au fur et à mesure que les infections deviennent plus résistantes aux traitements et que l'accès aux antibiotiques devient limité, certaines personnes peuvent commencer à éviter les soins de santé dont elles ont besoin, la qualité de vie se détériorera, les personnes souffrant d'infections pharmaco-résistantes ou risquant de l'être peuvent devenir stigmatisées et l'isolement et les inégalités augmenteront .

Et tandis que ces impacts toucheront tous les Canadiens, certaines populations - les personnes âgées, les nourrissons, les personnes vivant dans des conditions de pauvreté et de surpeuplement, les personnes souffrant de maladies existantes et les populations autochtones - seront les plus durement touchées, ce qui aggravera les inégalités sociales.

En outre, le rapport prévient que les conséquences s'étendront au-delà des patients. Prenant exemple sur l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003, le comité suggère que les Canadiens pourraient commencer à éviter les activités en dehors de leur domicile afin de limiter les contacts humains. Ils risquent également de devenir moins susceptibles de voyager, plus enclins à fermer les frontières du pays et à moins faire confiance au gouvernement.

Brett Finlay, président du comité et professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, a averti que si le Canada ne réagissait pas à la hausse de la résistance aux antibiotiques, le pays serait « considérablement transformé en quelques décennies ».

« L'économie va se contracter, le système de santé sera moins durable et les inégalités sociales vont encore augmenter », écrit Finlay dans le rapport. « Il est clair que la RAM doit non seulement être perçue comme un problème scientifique et de santé, mais également comme une menace économique et pour la sécurité. C'est un problème insidieux qui imprègne de plus en plus tous les aspects de notre société. »

Pour faire face à cette menace, le groupe préconise une approche multidimensionnelle coordonnée à l'échelle mondiale, axée sur quatre stratégies d'atténuation: surveillance, prévention et contrôle des infections, gestion des antibiotiques (en médecine humaine et vétérinaire), recherche et innovation.

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