mardi 12 novembre 2019

Agriculture fiction ? Vers une Wallonie « zéro agriculteur » !


Annonce : S’agissant de l’information à propos des rappels de produits alimentaires, pour le moment, il ne faut pas faire confiance à nos autorités sanitaires (Ministère de l’agriculture et DGCCRF). Ces deux entités ont fait et font toujours preuve d’une incroyable légèreté et d’un manque d’informations fiables vis-à-vis des consommateurs avec comme corollaire une absence de transparence en matière de sécurité des aliments.
Article paru dans La Libre.be le 25 octobre 2019, Vers une Wallonie « zéro agriculteur » !, Une opinion de Marianne Streel, présidente de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA), et de Anne Pétré Directrice des relations publiques de la FWA.

Merci à Olivier Masbou d'avoir mentionné cet article.
2029… La dernière exploitation agricole wallonne a fermé ses portes. C’est triste…tout le monde s’accorde à le dire : les médias, les responsables politiques, les citoyens… C’est triste, mais c’est un peu tard pour s’en apercevoir. Les paysages ont déjà beaucoup changé, depuis 4 ou 5 ans. Les terrains vagues sont de plus en plus nombreux, et des routes sont coupées partout dans le pays, parce que plus personne ne s’occupe d’entretenir le paysage.

L’approvisionnement alimentaire est devenu compliqué : les pénuries, et l’inflation sont un vrai problème, depuis que nous dépendons de pays étrangers pour nous nourrir. Les rayons des supermarchés sont presque vides. On sent monter l’agressivité dans la population. Surtout en ville... Il faut dire que la nourriture est devenue rare, et hors de prix.

A la campagne, les coqs ne réveillent plus les habitants, et plus aucun tracteur ne passe.

C’est plus calme…c’est TROP calme ! Par contre, la nature a repris ses droits. Un peu trop… Les citoyens qui essaient de cultiver leur propre potager ont du mal à s’en sortir.

Envahis d’herbes indésirables, leur production est bien maigre ! Il n’y a plus de vaches dans les prés. Quelques-unes vivent encore dans la nature, à l’état sauvage, et plus grand monde n’ose les approcher. Les villageois qui voulaient prendre une vache ou un cochon à la maison pour leur subsistance n’ont pas eu l’autorisation de le faire. Les normes environnementales et de bien-être qui étaient appliquées aux agriculteurs, et les contrôles mis en place existent toujours, et ils sont trop lourds à gérer.

L’exode a changé de sens. Autrefois, les citadins affluaient à la campagne pour y trouver du calme. Maintenant, ils retournent en ville, parce que l’accès à la nourriture y est plus facile, pour ceux qui ne savent pas cultiver. Ceux qui jadis étaient qualifiés de néo-ruraux ont perdu beaucoup d’argent, la terre et les maisons ne valent plus rien dans les villages, depuis que tout a été laissé à l’abandon.

Bref, les gens font comme ils peuvent pour se nourrir, mais ce qu’on peut encore trouver dans les magasins n’est pas vraiment fiable : personne ne peut réellement dire où cela a été produit, par qui…et surtout comment. Mais bon, quand la nourriture se fait rare, on devient moins regardant.

Le Ministre de l’Agriculture est devenu Ministre des importations alimentaires. Il a bien du mal à trouver des solutions durables. Il finira sans doute au chômage. Comme les anciens agriculteurs, et tous ceux qui travaillaient dans le secteur de l’alimentation, les ouvriers et les employés de l’agro-alimentaire, les bouchers et les boulangers, les restaurateurs et les artisans de produits de bouche, les transporteurs de matières premières agricoles, les commerciaux, les contrôleurs, les conseillers des cellules de conseil et d’accompagnement qui encadraient les agriculteurs et les gens qui travaillaient dans les administrations agricoles.

Les émissions qui parlent de cuisine et d’alimentation n’ont presque plus d’audience. Par contre, on voit de plus en plus de documentaires sur l’agriculture. Les gens sont un peu nostalgiques. Il paraît qu’on va ouvrir un parc de loisir à thème agricole pas loin de Bruxelles.

"Martine à la ferme" se vend à nouveau très bien… Les enfants adorent, c’est leur livre de chevet préféré.

Les fermes se sont toutes transformées en habitats partagés ou en équipement de loisir collectif. C’est bien…c’est bruyant, mais au moins, ça ne sent plus le fumier.

Dans les autres pays d’Europe, c’est la catastrophe aussi… L’agriculture familiale, c’est fini. Partout. Il reste juste quelques fermes usines, dans certains pays, mais après les scandales alimentaires qu’elles ont provoqués, les gens s’en méfient.
Fiction ou scénario catastrophe ?

Vous vous demandez ce que vous êtes en train de lire ? C’est un peu gros ? Cela ne vous semble pas crédible ? Oui, c’est vrai, nous avons peut-être un peu forcé le trait. Mais le moment est grave, et il est grand temps de se ressaisir et de chercher des solutions pour pérenniser notre modèle agricole familial.

Il est urgent de sortir d’une vision polarisée de notre agriculture wallonne, dont la diversité est, au contraire, la plus belle richesse.

Les prix de nos productions chutent, les agriculteurs souffrent, et beaucoup d’entre-eux peinent à assurer les remboursements et les charges de production. Et cela, ce n’est pas un scénario catastrophe, ni de la science-fiction : c’est la réalité.

Et ce n’est pas seulement triste, c’est dramatique. Et c’est une situation d’urgence !

Pour rappel, 48 % du territoire wallon voit sa gestion confiée aux agriculteurs. Ils gèrent la production alimentaire et non alimentaire, la beauté des paysages, ils s’occupent de l’environnement et de la biodiversité.

Notre agriculture repose sur l’élevage (bovins laitiers et viandeux, porcs et volaille, etc) ainsi que sur les cultures (escourgeon, froment, betteraves, maïs, chicorée, légumes de plein champ, lin textile, chanvre, etc…), les fruits, légumes ou plantes ornementales de nos horticulteurs. On voit aussi se développer des productions moins traditionnelles (escargots, safran…) et de nombreux services et diversifications (tourisme, produits de terroir, activités pédagogiques à la ferme…).

Nous devons impérativement préserver ce tissu rural si riche. Nous devons travailler sur les relations agriculteur-agriculteur, mieux collaborer entre nous. Mais il faut aussi que les relations agriculteur-citoyen, agriculteur-riverain, et agriculteur-consommateur se reconstruisent, sur le respect mutuel.

C’est une part du problème. Mais il faut aussi que le cadre politique et économique soit favorable, et aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. Or, il est difficile de construire et d’investir sur un terrain économique fragile.

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