jeudi 14 avril 2022

France: La sécurité des aliments en question. Chroniques d'évènements largement prévisibles

Titre en Une du journal Le Figaro du 14 avril 2022
Comme les trains qui ne sont jamais à l'heure, on ne parle de sécurité des aliments que quand il y a des soucis, des problèmes voire des épidémies de maladies d'origine alimentaire, comme en ce moment. Le blog vous en avait déjà entretenu dans un article sur nos médias, voir Quand des médias propagent une rumeur, présence de Listeria monocytogenes ne signifie pas listériose !

Bref les médias parlent de ce qui les intéressent, et c'est sans doute normal, mais parlent-t-ils du nombre vertigineux (4 448 à la date d'aujourd'hui) de rappels de produits alimentaires depuis le 1er avril 2021, date de création de RappelConso, un site officiel sensé répertorier les avis de rappels des produits alimentaires. Parlent-ils des plus de 400 avis de rappel liés à la présence de Listeria monocytogenes ?

Le Figaro du 14 avril 2022 a néanmoins le mérite de faire un tour de la question en 3 pages pleines, ce qui n'est pas rien ... Un peu tous les sujets sont passés en revue et un volet important est consacré aux victimes avec Le témoignage bouleversant des parents d'une victime des pizza contaminées. Le blog vous avait déjà proposé des témoignages et vous pourrez retrouver cela dans Je tiens à rappeler qu'on n'est pas coupables de ce qui arrive dans nos assiettes. La bactérie n'arrive pas dans la nourriture par hasard . Trois ans après les faits, la justice n'est passée dans une affaire steak hachée contaminée. Et dire que même l'usage du thermomètre alimentaire pour contrôler la cuisson des steaks hachés n'est pas recommandée par nos autorités sanitaires, jusqu'à quand !

Une critique à cet article du Figaro, l'interview plus militante que professionnelle d'un représentant de l'ONG UFC Que Choisir. Il en est resté à un classique, la baisse des toxi-infection alimentaires collectives par rapport à ce qui était courant autrefois. Autrefois n'est pas aujourd'hui, il suffit de lire les données de Santé publique France pour ce rendre compte du contraire, à l'exception de 2020, année Covid s'il en est. 
Je lui conseillerai la lecture édifiante de Estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013.
Par ailleurs, cela se saurait si les industriels utilisaient « des autocontrôles dont les procédures sont validées par les services de l'Etat. » C'est même le maillon faible de la démarche sécurité des aliments voulue par l'UE, la validation des autocontrôles !

Cela étant, je prie le lecteur de lire ou de relire les quelques articles du blog pour tenter de comprendre comme on a pu en arriver là, il n'y a pas de surprises, tout a été voulu, pensé et écrit par la Commission européenne baisse des contrôles, baisse des effectifs, mise en oeuvre d'applications informatiques du type SignalConso et RappelConso, sensées compenser le manque de personnel, etc., etc.


Il y a en a pour tout le monde, mais plutôt que de parler de pourcentages, voici quelques chiffres qui donnent à réfléchir et aussi pour ceux qui ont décidé cela, le ministre de l'Agriculture ou même le président de la République de l'époque (2012-2017), sans oublier le cynisme du ministre de l'économie et des finances, plus récemment. Voici donc les chiffres des inspections en sécurité des aliments publiés par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, ça donne le vertige, 
2012 : 86 239
2013 : 82 729
2014 : 78 000
2015 : 76 000
2016 : 55 000
2017 : 54 000
2018 : 57 500
2019 : 58 200
2020 : 41 600
2021 : 48 775

Le plus grave est parfois ailleurs, avoir une entreprise alimentaire, Buitoni, qui a des traces de rongeurs et qui ne soit pas fermée immédiatement est proprement inacceptable ! Le décalage entre l'inspection et l'arrêté préfectoral a été bien trop long.

Ailleurs aussi se trouve l'absence systématique de communication, de transparence et d'information du public par toutes nos autorités qui tentent difficilement, non pas de cacher, mais de diminuer autant que possible leur responsabilité voire de l'organiser. Il y a là une vaste entreprise de déresponsabilisation qui n'est pas propre au sanitaire.

La DGCCRF participe aussi au dispositif de sécurité des aliments. Mais cela n'est pas sans raté, RappelConso publie le 13 avril, un avis de rappel de produits de la marque Kinder figurant pourtant dans la liste des produits rappelés par Ferrero France le 9 avril 2022. Cela a été confirmé par un communiqué de la DGCCRF du 14 avril 2022, intitulé pudiquement, Complément d’informations lié au retrait-rappel de produits de la marque Kinder en raison d’une contamination à Salmonella Typhimurium. Pas facile quand il y a moins de personnel, n'est-ce pas ?

Ainsi, comment interpréter cette publication du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation du 7 avril 2022, Comment fonctionne le système d'alerte sanitaire en France ?, où l'on découvre cette phrase,  «Le système d’alertes sanitaires est efficace : des épisodes d’épidémie en France ont prouvé l’efficacité du système français.»
Les consommateurs touchés par les épidémies liées aux produits Ferrero et Buitoni Nestlé apprécieront cela à sa juste valeur !

En dernier lieu, une fin bien triste mais qui mis du temps à arriver, voici qu’on apprend en toute «transparence» que la page Alerte Alimentation (site du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) vient de cesser d’être. En effet, si vous pointez sur le lien précité d’Alerte Alimentation, vous aboutissez désormais sur RappelConso.
Pour mémoire, la dernière Alerte Alimentation, qui a eu lieu le 17 juillet 2021, concernait le «Retrait et rappel de fuets (saucisses sèches espagnoles) contaminés par des salmonelles», une pécadille qui avait entraîné 45 cas de salmonelloses (dont 27 concernent des enfants). Et depuis cette date, plus rien, pas d'information, il ne semblait pas nécessaire de changer les choses, mais les évènements en auront décidé autrement ...

Complément du 20 avril 2022Dans un référé de la Cour des Comptes du 12 mars 2018, il faut sortir l'artillerie lourde pour avoir des informations, «L’action de la DGCCRF en matière de protection économique du consommateur», il est rapporté,
Les effectifs, en baisse à partir de 2008, se sont stabilisés depuis 2013 avec environ 1 400 équivalents temps pleins travaillés consacrés à protection économique du consommateur.
Le nombre d’établissements contrôlés a baissé de 24 % entre 2011 et 2016. 

Aux lecteurs du blog
Je suis en conflit depuis plusieurs années avec la revue PROCESS Alimentaire pour une triste question d’argent qui permettrait de récupérer et de diffuser correctement les 10 052 articles initialement publiés gracieusement par mes soins de 2009 à 2017 sur le blog de la revue, alors qu’elle a bénéficié de la manne de la publicité faite lors de la diffusion de ces articles. Le départ du blog de la revue a été strictement motivé par un manque de réactivité dans la maintenance du blog, la visibilité de celui-ci devenant quasi nulle. J’accuse la direction de la revue de fuir ses responsabilités et le but de ce message est de leur dire toute ma colère. Elle ne veut pas céder, moi non plus, et je lui offre ainsi une publicité gratuite.

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