vendredi 7 février 2020

Séroprévalence du virus de l'hépatite E chez les donneurs de sang en Corse


Voici une étude sur la séroprévalence du virus de l'hépatite E chez les donneurs de sang en Corse

Référence
Capai Lisandru, Hozé Nathanaël, Chiaroni Jacques, Gross Sylvie, Djoudi Rachid, Charrel Rémi, Izopet Jacques, Bosseur Frédéric, Priet Stéphane, Cauchemez Simon, de Lamballerie Xavier, Falchi Alessandra, Gallian Pierre. Seroprevalence of hepatitis E virus among blood donors on Corsica, France, 2017Euro Surveill. 2020;25(5):pii=1900336. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.5.1900336

Contexte
Avec une population de 338000 habitants en 2018, la Corse est une grande île française (8680 km2) située en mer Méditerranée dans le sud-est de la France métropolitaine. Le but de l'étude était d'étudier la séroprévalence du virus de l'hépatite E (VHE) chez des donneurs de sang volontaires de Corse, une zone considérée comme une zone de forte prévalence et d'évaluer le niveau d'immunité de la population ainsi qu'une analyse fine de la prévalence dans les districts corses.

Discussion
En 2011 et 2012, une enquête nationale (utilisant le test Wantai) a identifié une hétérogénéité géographique dans la distribution du statut sérologique des IgG anti-VHE chez les donneurs de sang volontaires en France métropolitaine, et la Corse faisait partie des zones où la séroprévalence était la plus élevée enregistrée (62 %).

Figatelli
Le ficatellu, une saucisse locale de foie de porc, a été officiellement identifié comme une source de contamination d'origine alimentaire par le VHE, mais l'impact réel de la consommation de ficatellu sur l'épidémiologie du VHE est inconnu et d'autres sources potentielles de contamination restent à explorer. Ici, nous avons terminé l'étude susmentionnée en effectuant une analyse spécifique d'un nouvel échantillon plus important de donneurs de sang corse.

Entre septembre 2017 et janvier 2018 (période sans activité touristique importante), nous avons recruté 2 705 donneurs de sang résidant en Corse dont 1 518 (56,1%) testés positifs pour les IgG anti-VHE. Cela a confirmé la forte endémicité du VHE en Corse.

D'autres zones à forte prévalence ont été identifiées en Europe à l'aide du même test IgG anti-VHE, à savoir le centre de l'Italie (région des Abruzzes, 49%) [46] et le sud-ouest de la France (région Midi-Pyrénées, 52,5%).

L'analyse des données brutes indique que la séroprévalence du VHE est plus élevée chez l'homme, constat qui a été précédemment décrit dans l'analyse univariée mais non multivariée, et également plus élevé chez les individus nés en Corse. Il a été précédemment proposé que ces différences puissent s'expliquer par des facteurs sociologiques (profession spécifique, chasse, etc.), mais il n'existe à ce jour aucune explication factuelle qui tienne compte de la forte prévalence générale chez les hommes et les femmes et également de la différence entre les sexes.

L'association entre l'antigène des leucocytes humains (HLA) ou les antigènes des groupes sanguins et les maladies infectieuses a été documentée dans la littérature mais, à notre connaissance, n'a jamais été étudiée pour l'infection par le VHE. Ici, nous n'avons pas identifié un tel lien entre les groupes sanguins ABO, Rhésus et Kell et la présence d'anticorps anti-HEV.

Les titres d'anticorps sont généralement faibles, avec 77,2%, 81,6% et 85,9% des donneurs ayant des titres d'IgG anti-VHE inférieurs à 5, 7 et 10 UI/mL, respectivement. La séroprévalence augmente avec l'âge, sauf chez les personnes de plus de 60 ans environ. Dans nos modèles, ce dernier peut s'expliquer soit par une force infectieuse variable avec l'âge (mais cela n'est pas étayé à ce jour par des informations épidémiologiques ou sociologiques) ou par une perte d'anticorps spécifiques dans le temps. Des études antérieures ont montré que les taux d'anticorps diminuent avec le temps et chez certains sujets, les IgG anti-VHE peuvent disparaître après un suivi variant entre 1 et 22 ans. Une étude récente auprès de donneurs de sang du centre de l'Italie utilisant le test Wantai a rapporté un taux de séroconversion VHE de 2,1 pour 100 personnes-années, du même ordre de grandeur (1,3-4,6/100 personnes-années) que ceux estimés avec nos modèles.

Notamment, la séroprévalence dans le groupe le plus jeune des donneurs de sang (18-27 ans) était plus de 10% plus élevée chez les personnes nées en Corse (environ 51%) que chez celles nées à l'extérieur (environ 39%). Cela se traduit par une force d'infection de 4,3% (IC 95% : 3,5–5,6) par an chez les natifs contre 2,8% (IC 95% : 2,5–3,2) par an chez les non-natifs dans le 'modèle de séroréversion'. Cependant, en l'absence de données épidémiologiques détaillées pour les individus de moins de 18 ans, la forme exacte de la courbe de séroconversion chez l'enfant et l'adolescent reste à établir. De toute évidence, l'identification des déterminants de l'exposition dans la population corse de moins de 18 ans est essentielle pour comprendre l'épidémiologie du VHE localement. Une comparaison de la séroprévalence du VHE mesurée ici (56,1%) avec les sérums archivés de donneurs de sang collectés en 2000 dans les deux départements de la Corse (53,3%; n = 90) (données non présentées) suggère que l'exposition au VHE a été stable en la population corse depuis au moins deux décennies. De plus, nous n'avons pas identifié de variation significative de la prévalence selon le district administratif de résidence. Dans l'ensemble, les informations épidémiologiques semblent converger vers une exposition potentielle commune et omniprésente à l'infection par le VHE pour les personnes vivant en Corse.

Le réservoir animal (principalement des porcs et des verrats) est consensuellement considéré comme une source majeure d'infection par le VHE chez l'homme [53,54]. Cependant, l'importance relative des voies de contamination directes (c'est-à-dire liées à la consommation de viande de porc et de sanglier) ou indirectes n'est pas claire. La contamination indirecte peut être liée à la transmission du virus par les mains ou des vecteurs passifs de transmission d'une maladie (fomites) mais également à l'eau potable contaminée. Des informations antérieures issues de l'étude nationale française ont identifié l'eau potable en bouteille comme facteur de protection contre l'infection, et dans la région rurale d'Auvergne (France métropolitaine centrale), l'eau du réseau public a été identifiée comme la source commune d'infection pour un groupe de sept cas humains, avec de l'ARN HEV détecté dans un puits privé qui a accidentellement contaminé le réseau public d'eau.

De plus, une étude récente en Suède a détecté des souches de génotype 3 du VHE dans l'eau du robinet et dans l'eau brute avant traitement. Par conséquent, à mesure que de nouvelles recherches sont mises en œuvre pour identifier les sources omniprésentes d'exposition au VHE en Corse, le rôle potentiel de l'eau potable dans la propagation de l'infection par le VHE devrait être étudié.

Conclusion
Notre étude confirme que la Corse est une zone d'endémie élevée pour l'infection par le VHE, avec une exposition homogène dans les différents quartiers géographiques. La séroprévalence augmente avec l'âge jusqu'à 60 ans et est plus élevée chez l'homme que chez la femme. Notre étude a identifié trois domaines prioritaires pour des investigations complémentaires sur la Corse.

Premièrement, l'épidémiologie dans le groupe d'âge plus jeune (moins de 18 ans) est essentiellement inconnue en l'absence de données biologiques et devrait être explorée plus avant.
Deuxièmement, les sources courantes de contamination, en particulier l'eau potable, méritent des études complémentaires car le VHE peut être trouvé dans les fèces et les eaux usées et la Corse est une région où l'infection des porcs et des verrats est fréquente. Le réservoir d'animaux, les eaux usées et la contamination potentielle du réseau public d'eau peuvent être étudiés.
Troisièmement, la forte proportion de donneurs ayant un faible titre d'anticorps anti-VHE soulève des questions sur la protection offerte par les anticorps IgG et sur la sensibilité à une infection secondaire par le VHE.

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