jeudi 6 février 2020

Risques des pesticides pour la santé humaine et la biodiversité. Un plaidoyer pour l'Anses !

Première séance à l'Assemblée Nationale du mardi 04 février 2020 avec des questions orales au gouvernement, la question posée concerne les risques de pesticides  pour la santé humaine et la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, no 954, relative aux risques des pesticides pour la santé humaine et la biodiversité.

Mme Delphine Batho. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation n’est pas là. Mais j’espère tout de même obtenir une vraie réponse du Gouvernement.

La Cour des comptes a rendu public ce matin son référé en date du 27 novembre 2019, constatant l’échec total de la politique des plans Écophyto, c’est-à-dire de la politique menée par ce gouvernement comme les précédents pour réguler l’usage des pesticides. Malgré 400 millions injectés dans ces plans, l’utilisation de pesticides est en augmentation de 24 % pour la seule année 2019. S’agissant du glyphosate, le Gouvernement a enterré sa propre promesse de l’interdire ; s’agissant des fongicides SDHI – inhibiteurs de la succinate déshydrogénase –, au sujet desquels 450 scientifiques demandent l’application du principe de précaution, il fait la sourde oreille. Et il renonce à protéger les riverains victimes des épandages. En plus, comble du comble, alors que l’Assemblée nationale a voté, par l’article 83 de la loi du 30 octobre 2018, l’interdiction de la fabrication en France de certains pesticides, le sommet de l’État apporte son soutien au lobby des pesticides pour remettre en cause l’application de cette disposition.

On est aujourd’hui dans une urgence de santé publique, et dans une urgence totale pour la biodiversité et l’ensemble du vivant. Mes questions vont donc être extrêmement simples.

Oui ou non, le glyphosate va-t-il être interdit à la fin de cette année comme le Président de la République s’y était engagé ?

Oui ou non, le Gouvernement, qui en a le pouvoir, va-t-il suspendre l’autorisation de mise sur le marché des SDHI ?

Oui ou non, le Gouvernement va-t-il tirer les conséquences de l’échec complet des plans Écophyto en appliquant, enfin, l’article L. 253-7 du code rural qui permet à l’État de suspendre immédiatement l’utilisation de toute substance dangereuse ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

M. Laurent Nunezsecrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la députée, je vous prie d’excuser le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, que je représente en l’occurrence pour répondre à vos questions sur le sujet crucial qu’est celui de la réduction des produits phytosanitaires.
Je tiens à rappeler que la politique du Gouvernement est claire : les enjeux de santé publique sont non négociables ; dès qu’un produit présente un risque pour l’homme, il est retiré du marché – nous avons ainsi décidé unilatéralement, en 2018 et en 2019, d’interdire le métam-sodium, l’époxiconazole, les néonicotinoïdes et les substances apparentées alors même que nos voisins européens continuent à les utiliser ; notre objectif est de réduire de 50 % les quantités de produits phytosanitaires en 2025 et de sortir du glyphosate pour une majorité d’usages d’ici la fin 2020.
Deux principes guident notre action : celui du respect de la science et celui de la transparence.

En ce qui concerne la science, je tiens à dire dans cet hémicycle qu’il est hautement regrettable que des parlementaires s’en prennent à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, alors que son expertise et son niveau d’indépendance ne sont plus à prouver. Si les parlementaires ne font plus confiance à la science, ne savent plus distinguer les notions de risque et de danger, où allons-nous ?

Quant à la transparence, le Gouvernement s’est engagé à communiquer les données de vente pour 2019 dès le printemps 2020.

Pour ce qui est spécifiquement de vos questions, je vous informe que l’ANSES rendra prochainement, à la demande du Gouvernement, un avis concernant les substances les plus préoccupantes, et il sera évidemment étudié avec attention. S’agissant du glyphosate, les ministres Élisabeth Borne et Didier Guillaume sont mobilisés, aux côtés de l’ANSES et de l’INRAE – l’Institut national de recherche en agriculture, alimentation et environnement – pour procéder à une évaluation comparative, objectivée et robuste. L’ANSES précisera sur ce fondement, d’ici fin juin, les usages pour lesquels le glyphosate pourrait être interdit, en veillant à ne pas mettre les agriculteurs dans l’impasse, ni techniquement ni économiquement.

En conclusion, je sais que, pour certains, tous les moyens sont bons pour interdire tous les produits phytosanitaires – c’est le cas lorsque des maires imposent des zones de non-traitement de 150 mètres autour des habitations, mais aussi s’agissant du SDHI ou du glyphosate. Il ne s’agit pas d’aller du jour au lendemain vers le zéro pesticide : faut-il rappeler que près de 25 % de la quantité totale de substances actives est constituée de produits dits naturels, utilisables en agriculture biologique ? Le Président de la République a dit que notre agriculture était une agriculture d’excellence, qui doit certes bouger, mais également être défendue haut et fort.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Les agriculteurs sont eux aussi victimes de ces produits, qui affectent leur santé. À écouter votre réponse, on peut se dire que, malheureusement, le lobby des pesticides a de beaux jours devant lui ! Vous direz au ministre de l’agriculture de réviser ses fiches puisque, par exemple, en ce qui concerne les néonicotinoïdes, ce n’est pas ce gouvernement qui les a interdits mais le Parlement, à l’encontre d’un exécutif qui ne voulait rien faire. Il en est de même s’agissant de la science : je rappelle que le Centre international de recherche sur le cancer, dépendant de l’Organisation mondiale de la santé, a classé le glyphosate comme cancérogène probable, et qu’il n’appartient ni au gouvernement français ni à l’ANSES de s’asseoir sur une décision du CIRC et de l’OMS. En tout cas, hélas, chacun aura compris le sens de votre réponse : tout continue comme avant et la santé publique demeure secondaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. Laurent Nunezsecrétaire d’État. Mais non !

NB : Une partie du texte est soulignée en gras par mes soins.

Selon La France Agricole du 5 février,
Invité à s’exprimer dans le cadre du bilan du contrat de solutions, Didier Guillaume a annoncé qu’il était favorable à l’utilisation du glyphosate, faute de mieux, pour maintenir l’agriculture de conservation.
Le vent serait-il en train de tourner ? Lors du premier bilan du « contrat de solutions », ce 4 février, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a plaidé en faveur d’un retour au pragmatisme et à la science, face « à la société civile qui en demande toujours plus sans savoir et qui, au lieu de se baser sur la science, s’informe sur les réseaux sociaux ».

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