Je relaie bien volontiers la tribune libre de « L’écologie politique à contresens ».
« L’inculture scientifique fréquente chez les responsables politiques et
des leaders d’opinion ouvre la voie à la démagogie, au relativisme ambiant
accordant la même valeur à tous les avis ».
Une croyance forte, une conviction bien ancrée, si légitimes qu’elles
puissent paraître, peuvent paralyser la pensée et aboutir à l’inverse du but
recherché, si elles s’écartent de la réalité et de la vérité scientifique
assise sur la démarche expérimentale. L’écologie politique très prégnante dans
la société française n’échappe pas à cette dérive et conduit souvent à des
choix politiques néfastes s’éloignant des véritables enjeux. C’est le cas pour
des sujets fortement médiatisés touchant au climat, à l’énergie, à
l’agriculture ou à la biodiversité.
Pour lutter contre le réchauffement climatique
et réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’écologie politique défend
le développement des énergies renouvelables (éolien,
solaire photovoltaïque) et la réduction, voire l’abandon de l’énergie nucléaire.
Elle feint d’ignorer que le cycle complet du nucléaire français est très
faiblement émetteur de CO2, qu’il produit de l’électricité à la demande,
contrairement aux énergies renouvelables, dont l’intermittence liée aux
caprices de la météo, impose le concours de centrales pilotables à gaz ou au
charbon qui détériorent leur bilan CO2 et renchérissent, comme en Allemagne, le
coût de l’électricité.
Ces investissements considérables et
contestables dans l’éolien et le solaire
photovoltaïque pour répondre à l’urgence climatique se font au
détriment des deux secteurs les plus émetteurs de CO2 et les plus créateurs
d’emploi : les transports et l’habitat.
Nuisances. Enfin, surprenant est le choix des
défenseurs de l’environnement et de la biodiversité en faveur des éoliennes
géantes qui défigurent nos paysages, aujourd’hui dans nos campagnes,
demain sur notre littoral malgré leur coût faramineux, qui créent diverses
nuisances aux riverains et occasionnent perturbation et mortalité des oiseaux
et chauves-souris.
Concernant l’agriculture, l’écologie
politique milite pour une agriculture sans intrants chimiques, ni innovation
biotechnologique en amélioration des plantes (OGM)
et prône l’agriculture biologique, ignorant les conséquences économiques et
écologiques de ces choix.
Même si elle utilise aussi des pesticides
qualifiés de naturels, l’agriculture biologique (AB) est le modèle agricole
alternatif fortement promu par les décideurs politiques et la mouvance
écologiste. S’il répond à une demande des consommateurs aisés, bénéficie du
marketing offensif et intéressé de la grande
distribution alimentaire et peut améliorer le revenu des
agriculteurs, l’AB a ses limites à la fois sur les plans économiques,
environnemental et sanitaire.
Avec des rendements aléatoires et plus
faibles que l’agriculture conventionnelle, la généralisation de l’AB
nécessiterait, pour satisfaire la demande alimentaire, la mise en culture de
nouvelles terres au détriment de la biodiversité et l’importation accrue de
produits bio, peu souhaitable d’un point de vue économique et environnemental.
Plus exigeante en travail mécanique, elle génère davantage de CO2 et demandant
plus de travail manuel, elle est plus vulnérable à la concurrence des pays à
bas coût de main-d’œuvre. Enfin, les prix plus élevés des produits bio
et la plus grande exposition de l’AB aux contaminants biologiques sont de réels
freins au développement de ce mode de production agricole.
De nombreux écologistes et quelques responsables
politiques vont jusqu’à réclamer l’abandon total et immédiat de tous les pesticides,
ignorant les caractéristiques spécifiques de chacun d’eux, rejetant les
évaluations rigoureuses et au cas par cas des agences sanitaires avant leur
mise en marché et surtout sans proposer des solutions alternatives efficaces
pour lutter contre insectes ravageurs, maladies et mauvaises herbes affectant
les cultures.
Cette phobie des pesticides irréfléchie et
l’ignorance de la réalité agricole conduisent à des aberrations comme
l’interdiction programmée et sans fondement scientifique du désherbant
glyphosate utilisé dans le monde depuis quarante-cinq ans. Une
décision strictement politique répondant aux demandes des écologistes qui va
mettre un terme à ce qui se fait aujourd’hui de mieux en matière d’agroécologie : l’agriculture de
conservation reposant sur le semis direct (aucun travail du sol)
combiné avec un couvert végétal du sol en interculture. Une technique
agronomique offrant à la fois réduction des coûts, amélioration de la fertilité
des sols et des bénéfices environnementaux majeurs comme la séquestration du
CO2 atmosphérique dans le sol et la diminution des émissions de CO2 lié à la
réduction du nombre de passages de tracteurs.
Technique qui participe aussi à
l’amélioration de la biodiversité en activant la vie biologique des sols et en
offrant refuge et nourriture à la faune sauvage en toute saison. Autant
d’avantages ignorés ou rejetés par les écologistes politiques ne retenant
qu’une seule chose : la nécessaire application annuelle d’une faible dose de
glyphosate avant semis !
Biodiversité. L’écologie politique est fâchée avec
la chimie mais elle l’est tout autant avec la génétique et les biotechnologies
végétales à l’instar des OGM,
autre psychose française. L’Union européenne autorise l’importation et la
consommation de nombreux OGM mais un seul est autorisé à la culture, un maïs
résistant à deux insectes ravageurs (pyrale et sésamie), connu par son acronyme
Mon810 ou maïs Bt. Sous la forte pression écologiste et prétextant du principe
de précaution, la France, frileuse, l’a interdit, toujours sans justification
scientifique et contre l’avis des instances officielles d’évaluation.
Ce maïs permettait de supprimer deux
traitements insecticides aériens, contribuait à préserver la biodiversité en
respectant les insectes auxiliaires utiles (abeilles, coccinelles, syrphes…) et
les oiseaux. En plus il offrait un bénéfice sanitaire en réduisant les teneurs
en mycotoxines du maïs dont plusieurs sont des cancérigènes avérés. Diabolisés
en France, les OGM sont utilisés chaque année par 17 millions d’agriculteurs
dans le monde sur des surfaces représentant sept fois la surface agricole
française !
Une fois encore les croyances l’ont
emporté sur les savoirs conduisant le pays dans la voie du dogmatisme et de
choix politiques erronés souvent contraires aux objectifs écologiques affichés.
La passion écologique se montre réfractaire au doute, à l’analyse critique et
manifeste une propension surprenante à se focaliser sur les risques et ignorer
les bénéfices. Elle a pris une inquiétante coloration anti-science alors que
c’est justement la science et les technologies qui permettront de répondre aux
grands défis de la société.
L’inculture scientifique fréquente chez
les responsables politiques et des leaders d’opinion ouvre la voie à la
démagogie, au relativisme ambiant accordant la même valeur à tous les avis.
Elle laisse s’installer, comme les récents débats pour les élections
européennes l’ont montré, une orthodoxie « écolomaniaque», sans véritable débat
argumenté et rationnel s’appuyant sur les faits et la science.
Gérard Kafadaroff est ingénieur agronome ; Jean-Pierre Riou
est chroniqueur indépendant sur l’énergie. Ils sont membres du Collectif
Science-Technologies-Actions.
NB : L'image proposée est de mon fait. -aa
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