Cliquez sur l'image pour l'agrandir |
Si tout le monde semble d’accord sur le constat et parler de souffrance chez
nos agriculteurs, pourquoi cela ne bouge pas plus ?
D’un côté le ministre de l’agriculture, dans un moment de lucidité ou un coup de chaud suite à une corrida,,
a indiqué sur France
info le 19 août 2019,
« … Il y a une souffrance dans le monde agricole. Je n'en peux plus de tous ces gens qui stigmatisent et qui montrent les agriculteurs du doigt », a déclaré Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture. « Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs, ce ne sont pas des pollueurs, ce sont des gens qui souffrent et qui ne gagnent pas leur vie, c'est ça le vrai problème », a-t-il conclu.
En écho aux déclarations du ministre, voici le témoignage d’Anne-Cécile Suzanne, agricultrice en polyculture élevage dans l’Orne,
paru dans Le
Figaro.fr du 18 août 2019 (extraits), « Accusé agriculteur, présentez-vous à la barre! »
Suite au vote du CETA, elle indique que la « colère est montée, comme si ce vote avait
été la goutte de trop, la dernière consécration du paradoxe français, qui
enferme notre agriculture entre quatre murs. »
Le premier de ces murs est vert. Quand on est agriculteur, il n’est plus possible d’aller chez son boulanger sans se voir reprocher de traiter son blé. La pression sociale et médiatique n’a jamais été aussi forte pour nous demander de produire de façon durable, en respectant les animaux, les paysages, les cours d’eau et la santé des consommateurs. La solution est exposée comme étant simple et il n’est pas un citoyen, pas un expert télévisé, qui ne sache quoi faire s’il était agriculteur: passez tous au bio, à l’agroécologie et à la production de lentilles, on vous remerciera. Par contre, nous attendons toujours que la consommation suive…
Le deuxième mur est blanc. Blanc comme les pages de traités qui font de l’agriculture la variable d’ajustement des négociations commerciales. Sur les marchés internationaux, les productions agricoles se négocient suivant deux critères: la quantité et le prix. Pour survivre, un seul mot d’ordre, dont l’écho résonne à chaque nouveau traité de libre-échange: la productivité. Afin de la maximiser, nous devons absolument intensifier notre production, par l’utilisation de produits phytosanitaires et la maximisation de la surface cultivée. Bougez-vous, nous dit le président de la République, afin de renforcer votre compétitivité. Très bien, à bas les arbres et les haies, faisons de la place.
Le mur vert et le mur blanc se font face, si nous en choisissons un, la réalité de l’autre nous rattrape et le résultat est une impasse. Soit on est durable, mais pas rentable, soit on est performant, mais détesté. Alors on essaie de faire un pas de côté, mais à gauche et à droite, on est enfermé.
Car il y a un troisième mur, et il est rouge. À bas la viande rouge et le sang, à bas les abattoirs et les élevages. Aujourd’hui, être éleveur bovin, c’est être résistant. Le sujet est devenu identitaire, et se résume à une fracture trop claire pour être vraiment nette: si j’aime les animaux et le climat, je mange des lentilles, si j’aime mon terroir et mes traditions, je vais chaque jour chez mon boucher. Que les prairies captent le CO2 et permettent la préservation des habitats sauvages? Que les estives ne soient entretenues que grâce au passage des animaux d’élevage? Que les vaches de France vivent en plein air? Des réalités annexes, dont il ne vaut pas la peine de faire état quand on parle alimentation, agriculture et légumes verts.
En filigrane, une consommation coupable, un vide de sens où le consommateur se voit reprocher de ne pas rationaliser chacun de ses tickets de caisse au supermarché. De plus en plus, on s’excuse d’exister et on fantasme l’élevage, comme un métier fait de cages, alors même que les animaux, eux, vivent le plus souvent dans les prés. Le résultat in fine est terrible: nos élevages disparaissent, et l’on préfère importer de la viande d’animaux élevés en cage et dopés aux hormones à l’étranger.
Le dernier mur est noir. Noir comme les pensées des céréaliers, des maraîchers, des fruiticulteurs et des éleveurs, qui se voient imposer des normes affectant leurs rendements et des prix d’achat en dessous de leurs coûts de production. Des normes qui leur coûtent cher, et dont ils ne sont pas remboursés. Le résultat est la disparition des petites exploitations, avec des revenus constamment en baisse et un désespoir installé durablement dans ces professions.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.