jeudi 4 juillet 2019

A la recherche de Vibrio vulnificus en France et en Europe


La DGAL du ministère de l’agriculture vient de publier une instruction technique, DGAL/SDSSA/2019-486, du 2 juillet 2019 concernant le « Jugement de conformité des lots de produits de la pêche et de coquillages vivants trouvés contaminés par des Vibrio suite à des contrôles officiels (version modifiée de l'IT 2014-487».
La présente note a pour objet de définir les critères de jugement de conformité d'un lot de produits de la pêche ou de coquillages vivants trouvés contaminés par des Vibrio. Les informations contenues dans l'Instruction technique 2014-487 ont été actualisées, notamment pour ce qui concerne la méthode d'analyse et les modalités de gestion des lots contaminés. Les modifications apportées à la précédente version de 2014 sont surlignées. 
L’annexe I, « Les Vibrio spp. d’intérêt en santé publique », est bien faite, mais il y a une petite ‘erreur’ me semble-t-il,
A ce jour, aucune infection à Vibrio vulnificus d’origine alimentaire n’a été rapportée en Europe ou en France Métropolitaine.
Ce constat est assez répandu comme nous le verrons en fin d’article, mais il me semble que c’est faux … et voici différents éléments pour étayer mon propos,

En mai 2015, l’Anses et la DGAL du ministère de l’agriculture nous avaient proposé un Bulletin épidémiologique n°68, 2015, « spécial vigilance sur la chaîne alimentaire » dans lequel il était question de « Vibrio impliqués en pathologie humaine: une étude de leur répartition dans des produits de la mer consommés en France ».

Il est indiqué que « Ces premiers résultats révèlent que les produits de la mer peuvent présenter un danger potentiel pour la sécurité du consommateur en France et soulignent l’importance d’une surveillance de ces espèces. »

La conclusion souligne
Les résultats collectés au cours de cette étude donnent une indication intéressante sur la présence des espèces V. parahaemolyticus, V. cholerae et V. vulnificus dans les produits locaux ou importés mis en vente sur le marché français, et en particulier sur la présence de souches portant des gènes codant pour des facteurs de pathogénicité connus.
Ceci souligne la nécessité d’une vigilance accrue et d’un contrôle régulier des produits régionaux ou importés, dont la mise en œuvre systématique pourrait évoluer à la faveur du développement récent de méthodes de détection et de quantification. Un renforcement de la surveillance des produits de la mer permettra de mieux anticiper la menace potentielle de ces pathogènes en santé humaine.
La menace potentielle de ces pathogènes en santé humaine existe …

Ainsi un document de l’InVS rapporte des informations sur « Les infections à vibrions non cholériques en France : cas identifiés de 2001 à 2003 par le Centre national de référence des vibrions et du choléra ».
Pour 13 cas, le contexte de contamination sur le territoire français a pu être clairement établi. Parmi ces cas, 6 infections étaient consécutives à la consommation de produits de la mer (5 infections à V. cholerae, se manifestant par des syndromes divers, 1 infection à V. parahaemolyticus), 3 infections à V. cholerae et 4 infections à V. vulnificus étaient consécutives à une exposition à l’eau de mer ou de piscine. 
En août 2008, en France, il est rapporté,
Lundi 4 août, un homme de 73 ans est décédé à l'hôpital de Sète d'une septicémie. L'infection résulte d'une  blessure à la main (par piqûre de la nageoire dorsale et l'hameçon) acquise le Jeudi 31 Juillet lors d'une partie de pêche dans l'étang de Vic (Hérault). 
La symptomatologie, l'évolution clinique et les analyses biologiques permettent de fortement suspecter une infection par Vibrio vulnificus. Une confirmation par le Centre national de référence est attendue en début de semaine prochaine. Il s'agirait du 1er cas confirmé de contamination en région méditerranéenne en France.
L’Allemagne a rapporté en juillet 2019 son premier décès dû à Vibrio vulnificus depuis quatre ans.

L'analyse des données de surveillance cliniques, microbiologiques et épidémiologiques, des cas confirmés depuis 1995 en France a été menée en 2017 conjointement par le CNR et Santé Publique France; 10 cas de vibriose en moyenne ont été rapportés annuellement par le CNRVC, une augmentation sans précédents a été enregistrée en 2017 avec 26 cas d’infections à vibrions non cholériques, associés à 6 espèces de Vibrio, majoritairement V. cholerae (n = 10) et V. parahaemolyticus (n = 8). Un lien avec le milieu marin, consommation de produits de la mer ou contact direct avec l'eau de mer, a été établi dans 80% des cas, qui se sont manifestés majoritairement par des gastroentérites.
Les cas ont été fréquemment signalés dans les zones côtières et particulièrement sur la côte atlantique, mais une notion d'exposition probable à l'étranger, dans des pays à risque, a été signalée dans 40% des cas. Cette augmentation du nombre de cas pourrait être attribuée aux températures élevées enregistrées en 2017 et/ou à l'évolution des techniques de diagnostic. 
Autres documents,
  • « The emergence of Vibrio pathogens in Europe: ecology, evolution, and pathogenesis (Paris, 11–12th March 2015) », paru dans Fontiers in Microbiology, qui relate des cas d’infection à infection à Vibrio vulnificus
  • Environmental occurrence and clinical impact of Vibrio vulnificus and Vibrio parahaemolyticus: a European perspective. Environmental Microbiology Reports, 2, 7-18.
L’EFSA note aussi dans ce document de 2012 que des cas sporadiques à Vibrio vulnificus ont été identifiés en Europe,

Dans un article de Food Safety News de mai 2019, Les lignes directrices sur la sécurité sanitaire des produits de la mer se rapprochent après une réunion sur Vibrio.

« La situation en Europe est très différente, alors que nous avons des infections à Vibrio parahaemolyticus, mais nous ne voyons pas à la taille et l’ampleur de celles qui ont lieu aux Etats-Unis », a déclaré Rachel Hartnell, du Cefas Weymouth Laboratory.

Vibrio vulnificus peut être fatal dans une forte proportion de cas, il est donc grave mais rare, nous ne voyons pas de cas en Europe. Même sans réseau de surveillance épidémiologique si des personnes décédaient, nous le saurions. Si vous présentez Vibrio parahaemolyticus ou Vibrio vulnificus, cela n’est pas notifié et c'est là le problème.

A suivre …

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