mercredi 15 janvier 2020

Améliorer l'organisation du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments ? Beaucoup de bruit pour rien ...


« Ce que dit le rapport des corps d’inspection sur l’avenir de la DGCCRF et de la police sanitaire », selon Acteurs Publics du 15 janvier 2020.

Pour mémoire, le 26 avril 2019, lancement par quatre ministres d'une mission inter-inspections pour améliorer l'organisation du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments.

Le 23 décembre 2020, directeur général de l’alimentation s’était fendu de quelques ligne dans une interview sur « Un projet de réorganisation des contrôles sanitaires est en cours. Où en est-on ? »
La mission inter-inspections sur l’organisation des contrôles relatifs à la sécurité sanitaire des aliments a rendu son rapport récemment. La mission était mandatée pour faire une analyse critique du dispositif existant afin de le rendre plus efficace et plus lisible pour les citoyens et les entreprises. Les conclusions de la mission doivent désormais être analysées avant que les arbitrages ne soient rendus.

On n’en saura pas plus, le rapport étant classé secret défense ...

Que nous dit Acteurs Publics, pas grand-chose en réalité ...mais c'est à vous de vous en faire une opinion, après la lecture de cet article ...
Dans son rapport, la mission interinspections sur l’organisation du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments privilégie le rattachement à la direction générale de l’alimentation du « principal des compétences en matière de sécurité sanitaire des aliments, sans pour autant renoncer au rôle de la DGCCRF en matière de protection du consommateur et de loyauté ». 
La délégation au privé de tâches à faible valeur ajoutée est également préconisée par les corps d’inspection.
Pas de big bang en vue pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ? C’est la question qui se pose à la lecture du rapport top secret de la mission interinspections sur l’organisation du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, que Solidaires CCRF & SCL s’est procuré et qu’Acteurs publics a pu consulter.
Composée de l’inspection générale des Finances (IGF), de l’inspection générale des Affaires sociales (Igas), de l’inspection générale de l’Administration (IGA) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), cette mission avait été chargée par le gouvernement Philippe, en avril dernier, de plancher sur les voies d’amélioration de cette organisation.
Le lancement de cette mission était alors directement lié aux rumeurs d’un rattachement de la DGCCRF sous forme d’une nouvelle agence au ministère de l’Agriculture en vue de la création d’une police sanitaire unique. Une rumeur née des annonces du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, aux organisations syndicales de son ministère début mars et à laquelle Bercy – l’actuelle autorité de tutelle de la DGCCRF – est défavorable.

Trois scénarios étudiés
« Les travaux de la mission confirment que la répartition actuelle des contrôles de la sécurité sanitaire de l’alimentation entre la direction générale de l’alimentation [DGAL, rattachée au ministère de l’Agriculture] et la DGCCRF est inutilement complexe, indique le rapport. Une meilleure répartition des responsabilités est donc nécessaire pour améliorer l’efficience et la lisibilité du dispositif. »
Comme le gouvernement l’avait demandé, la mission devait expertiser 3 options possibles :
  • la création d’une nouvelle entité ou le rattachement à des entités existantes ;
  • la modification du périmètre des compétences opérationnelles respectives des différentes administrations ;
  • et, enfin, la délégation de certains contrôles.
Ce sont finalement ces deux dernières options qui ont le plus largement retenu l’attention de la mission inter-inspections.

Exit l’agence 
Exit donc la création d’un opérateur unique ou d’une agence : « Si une agence permettait d’unifier la politique publique de sécurité sanitaire des aliments, elle mettrait en péril les deux directions générales ainsi que les directions départementales interministérielles », explique ainsi le rapport.
Dans le cadre de leurs auditions, les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ont ainsi signifié leur opposition à cette réforme, « qui aurait pour conséquence de défaire ce qui a été réalisé depuis la Réate [la réforme de l’administration territoriale de l’État, entrée en vigueur en 2010] alors même que les efforts commencent à porter leurs fruits selon eux en termes d’intégration des équipes ».

Rattachement à la DGAL du « principal des compétences »
La mission a donc « privilégié » le rattachement à la DGAL du « principal des compétences » en matière de sécurité sanitaire des aliments.
« Cette hypothèse consisterait en la création d’un bloc de compétences dédié au risque sanitaire des aliments à la DGAL et d’un bloc de compétences dédié à la loyauté et la protection des consommateurs à la DGCCRF, sans revenir sur les capacités des DDCSPP à organiser et mutualiser le travail de leurs équipes », indique le rapport.
« Une telle hypothèse reviendrait à transférer de la DGCCRF à la DGAL le contrôle sanitaire » portant sur plusieurs aliments et composants. Et de citer les cas des contrôles sur les denrées végétales et d’origine végétale, des denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, des transports de denrées alimentaires…

Service minimum pour un peu de cohérence des actions de contrôles ... 
Quant aux cas particuliers actuellement de la compétence de la DGCCRF (allergènes, additifs, arômes, auxiliaires technologiques, matériaux au contact des denrées, ingrédients ionisés et OGM), ceux-ci « pourraient soit devenir une compétence partagée (au nom de l’unicité de l’approche par produit puisque la plupart d’entre eux concernent tant l’alimentaire que le non-alimentaire), soit être de la compétence exclusive de la DGAL lorsque le risque concerne les denrées alimentaires (au nom de l’unicité de l’approche de la sécurité de la chaîne alimentaire). »

Création d’un coordonnateur interministériel 
Pour la mission d’inspection, la clarification des champs de compétences respectifs « doit aussi s’accompagner d’une réelle coordination » entre la DGAL et la DGCCRF en particulier et « plus secondairement » avec la direction générale de la santé (DGS), « notamment dans la programmation des contrôles ».
« Du fait d’un long historique de relations difficiles entre ces deux administrations, qui n’ont pas su trouver d’elles-mêmes un modus operandi satisfaisant,  la mission propose la création d’un coordonnateur interministériel ad hoc chargé d’assurer cette cohérence d’action », estiment les corps d’inspection.
Très drôle cette «  réelle coordination », on croit rêver, quant à la création d’un coordonnateur, c’est l’arbre qui cache l’armée mexicaine … [le président de la commission sur l’affaire Lactalis avait dénoncé une « armée mexicaine » avec « trois ministères : la Santé, Bercy et Agriculture, c'est pas possible ». Voir ici.]

Délégation de tâches à faible valeur ajoutée 
S’agissant enfin des possibilités de délégation de certaines missions au secteur privé, la mission estime que « la délégation de tâches à faible valeur ajoutée (prélèvements dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle (PSPC), contrôle des établissements dits de remise directe*) permettrait de recentrer les services de l’État sur les contrôles ayant le plus fort impact, et notamment la transformation ».
Le coût de cette délégation pour la remise directe « atteindrait 20 millions d’euros par an à pression de contrôle constante », poursuit la mission d’inspection, qui propose une augmentation de la contribution des professionnels au coût des contrôles « au moins à la hauteur du coût des délégations ».
* Par remise directe, on entend « toute cession, à titre gratuit ou onéreux, réalisée entre un détenteur d’une denrée alimentaire et un consommateur final destinant ce produit à sa consommation », indique le rapport.

Il ne me parait pas pertinent de confier au secteur privé les « prélèvements dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle (PSPC) ».

Dans de nombreux cas, les résultats des prélèvements réalisés par le secteur privé et le secteur publics des plans de surveillance ne donnent pas les mêmes résultats et peut engendrer des dérives et par conséquent une perte de confiance ...

Quand au contrôle des établissements dits de remise directe, on va faire appel au privé faute de moyens publics, nouvelle ère en perspective ...

Bref, tout ça pour ça !

Complément du 17 janvier 2020. On lira cet article du 17 janvier 2020 paru dans Food Safety NewsLa décision de l'USDA d'externaliser les inspections est la recette d'un désastre (USDA move to outsource inspections is recipe for disaster).

On lira aussi dans Miroir Social du 17 janvier 2020 :
Fuites organisées du rapport sur l’organisation des contrôles de sécurité sanitaire des aliments
Alors que, depuis des mois, les organisations syndicales se voient opposer un refus de communication sur le dossier sensible de la mission inter-inspections sur l’organisation des contrôles de sécurité sanitaire des aliments, nous apprenons ces jours-ci que le contenu du rapport était largement évoqué, tant par l'un des syndicats de la CCRF (Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et la revue Acteurs Publics qui vient d'en publier de larges extraits. Curieuse conception de la transparence et du dialogue social dont on nous rebat régulièrement les oreilles. Drôle de nouveau monde. (...) 
... d'après ces fuites plus ou moins organisées, si l'idée d'un opérateur ou d'une agence unique rattachée au Ministère de l'Agriculture semble écartée, il n'en reste pas moins que plusieurs scénarios sont évoqués parmi lesquels :
  • un regroupement à la Direction générale de l'alimentation (DGAL) du principal (ou de l'intégralité ?) des compétences en matière de sécurité sanitaire des aliments « sans pour autant renoncer au rôle de la DGCCRF en matière de protection du consommateur et de loyauté » ;
  • la création d'un coordonnateur interministériel ;
  • la possibilité de déléguer certaines missions ou tâches « à faible valeur ajoutée » au secteur privé, la mission considérant que les services de l'État devraient se recentrer sur les contrôles ayant les conséquences les plus fortes. Avec quels moyens ?

2 commentaires:

  1. C’est bien prévu par un règlement européen. Le pas est fait et quid de la compétence des « inspecteurs ».
    Quels vont être les critères de choix sur les prestataires ?
    Comment être certain de l’impartialité des inspecteurs ? Les procédures de saisies sont bien définies par la loi et sont attachées dans certains cas au titre de vétérinaire et liés à une assermentation.
    Gageons que cela fera la part belle aux laboratoires ou à certaines structures de conseils et formation dans lesquels on trouve des intervenants aux approches réglementaires, scientifiques et dont les bases de la méthode HACCP et du contenu du PMS sont souvent approximatives (pour ne pas dire assez fragiles !!!). Intervenants qui jouent et se comportent parfois en vrai « cowboys ».
    Il y a de quoi être inquiet. J’aimerai me tromper !

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