lundi 2 décembre 2019

Après des cas de listériose, retour à la Ferme Durr


Annonce : S’agissant de l’information à propos des rappels de produits alimentaires, pour le moment, il ne faut pas faire confiance à nos autorités sanitaires (Ministère de l’agriculture et DGCCRF). Ces deux entités ont fait et font toujours preuve d’une incroyable légèreté et d’un manque d’informations fiables vis-à-vis des consommateurs avec comme corollaire une absence de transparence en matière de sécurité des aliments.

C'est une très bonne idée et c'est un reportage de rue 89 Strasbourg du 2 décembre 2019 qui revient sur la situation actuelle de la Ferme Durr, « Après la listeria, trois mois critiques pour la Ferme Durr »
Fermée en septembre pour « contamination persistante » à la listeria, la société Biolacte de Boofzheim, grand nom du bio alsacien, est en sursis. Solène Durr, qui dirige aujourd’hui l’entreprise familiale, a jusqu’à début mars pour élaborer un plan de redémarrage. Sans quoi la ferme disparaîtra.

Le communiqué du ministère de l’agriculture du 10 septembre 2019 parle « de graves dysfonctionnements dans l’entreprise. » ...
De nouveaux éléments de l'enquête établissent que des autocontrôles défavorables de l'établissement « ferme DURR », portant sur des denrées produites, n'ont pas été présentés lors de l'inspection des services de contrôle de l’alimentation réalisée sur le site de la société le 6 septembre dernier. Par ailleurs, les résultats d’analyses obtenus ce jour suite à des prélèvements officiels établissent une contamination étendue des locaux de l’établissement et une contamination de certains produits alimentaires.

Solène Durr a reçu des dizaines de messages de sympathie,
Au moment de la fermeture administrative, on a eu beaucoup de témoignages de soutien. Des voisins, des clients et même d’inconnus. Mais je n’imaginais pas que les gens continueraient à penser à nous. Aujourd’hui, je me rends compte qu’ils nous font toujours confiance malgré la crise.
La crise commence dans la soirée du vendredi 6 septembre, avec un communiqué de la préfecture. Des analyses ont attribué plusieurs cas de listériose à certains produits de la Ferme Durr. Ils sont retirés de la vente. Les consommateurs en sont informés par affichage.
« Nous apprenons tout ça le lendemain matin par le coup de fil d’un journaliste, explique Solène, et c’est un choc ! Réaliser que des gens ont été malades en mangeant nos produits, c’est dur. Et en plus sans connaître la gravité de leur état. D’ailleurs, aujourd’hui encore on ne sait rien sur eux. On a juste appris dans la presse qu’ils sont huit, qu’ils habitent en Alsace, Île-de-France, Bourgogne et PACA. »
À ce moment-là, le problème semble circonscrit à un seul produit : la tomme au lait cru.
« Le lait cru, c’est extrêmement délicat. Des collègues nous ont dit qu’ils ne s’y risqueraient jamais. Immédiatement, on décide qu’on ne fabriquera plus que des produits à base de lait pasteurisé. »
L’entreprise n’aura pas le temps d’appliquer cette résolution. Le 11 septembre, les services de l’Etat annoncent la fermeture administrative de la SARL Biolacte, qui fabrique et commercialise les produits Ferme Durr. Suite aux « graves dysfonctionnements » relevés, et à une « contamination persistante de la production », celle-ci doit cesser immédiatement.
Fin novembre, l’activité n’a pas repris. Un nettoyage des machines et des locaux, même poussé, n’aurait pas suffit. C’est toute la chaîne de transformation du lait qu’il faut changer. Et Biolacte n’en a pas les moyens, comme l’explique Solène Durr :
« Les bâtiments ont grandi en même temps que l’entreprise, et aujourd’hui ils ne sont plus adaptés. Pareil pour la chaîne de transformation. On doit se réorganiser. »
Pour lui laisser du temps, le tribunal de commerce a placé Biolacte sous mesure de sauvegarde le 23 septembre. Cette décision a permis aux salariés d’être mis en « activité partielle » (l’ancien « chômage technique »). Ils sont donc été partiellement indemnisés. Ils étaient 36, représentant 20 équivalents temps plein. Trois seulement travaillent encore, sous la direction de Solène.
Anne-Marie Durr (mère de Solène) est encore gérante en titre, mais comme elle va bientôt prendre sa retraite, elle a donné les rênes de l’entreprise familiale à Solène, l’aînée de ses deux filles. Diplômée en gestion des entreprises, c’est elle qui travaille sur le plan de redémarrage que le tribunal de commerce aura à examiner.
La première idée de la nouvelle « patronne » était de trouver une entreprise sous-traitante pour fabriquer les produits laitiers Biolacte. Mais tous les fabricants qu’elle a contactés ont décliné l’offre. Alors Solène Durr a imaginé un plan B. Le 18 novembre, le tribunal de commerce a jugé le plan assez intéressant pour prolonger jusqu’au 9 mars la période d’observation :
« Nous cherchons un ou plusieurs partenaires disposant d’une unité de transformation du lait, de locaux, ou de fonds pour investir dans ces équipements. De notre côté, nous avons notre marque, nos recettes, notre clientèle, et des machines considérées comme les Rolls-Royce du conditionnement. »

Solène a un regard critique sur cette croissance :
« Nous avons été comme aspirés. La disparition de mon père en 2014 a laissé un vide énorme. Il maîtrisait absolument tout dans l’entreprise. Après sa mort, Biolacte n’était plus dirigée. Je m’en suis rendu compte peu à peu après mon arrivée comme DRH en 2017. On disait oui à toutes les sollicitations, même les moins rentables : on envoyait un colis à l’autre bout du pays, on traitait avec des grossistes qui ne pensaient qu’à rogner sur nos marges, on avait signé avec des industriels des contrats nous obligeant à leur fournir certains produits à la demande. Il fallait qu’on produise toujours plus. On avait la tête dans le guidon ! Avec le recul, je me dis que les problèmes sanitaires devaient fatalement arriver. »
Il reste 14 semaines à Solène Durr pour faire en sorte que la question ne se pose pas.

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